Khalief Browder

Par le 02/06/2018 0 1586 Views

Chaque jour, la population afro des Etats Unis est constamment victime de discrimination. Et comme si cela ne suffisait pas, ce sont les violences observées dans les centres de détention qui s’y ajoutent.
C’est l’histoire d’un jeune américain noir qui, marqué par les évènements dont il a été victime 6 ans plus tôt, s’est donné la mort en 2015, alors âgé de 21 ans. Kalief avait en effet 16 ans lorsque, du retour d’une fête dans son quartier à New York, on l’interpella et l’accusa injustement plus tard (son ami et lui) d’un vol de sac. Présenté au juge, Kalief choisit de plaider non coupable (au lieu de plaider coupable pour voir sa peine amoindrie avec possibilité d’être libéré immédiatement), et devra payer une caution de libération estimée 10 000 dollars, puisque le juge estime que ce vole vient violer la période de probation de Kalief, déjà dans le viseur de la justice pour le vol d’une camionnette de service effectué il y a juste quelques mois. Incapable de réunir l’argent, la mère de Kalief a assisté, impuissante, au transfert de son fils à la prison de Rikers Island, réputée pour son hyper violence. Coupée du monde, l’île-prison de New York Rikers Island, la deuxième des Etats-Unis, accueille plus de 7 000 détenus. Elle est coupée du monde, reliée par un pont au quartier du Queens. Tout juste aperçoit-on les barbelés qui l’entourent lorsqu’on atterrit à l’aéroport La Guardia. Elle a accueilli les rappeurs Lil Wayne et Tupac ShakurSid Vicious (le membre des Sex Pistols) et Dominique Strauss-Kahn, qui y a passé quatre nuits après avoir été accusé d’agression sexuelle contre une employée du Sofitel. La population est surtout composée de gens qui purgent de courtes peines de moins d’un an ou qui attendent leur procès. Corruption, violences, usage excessif de la force de la part des gardiens…

Vu du ciel, le pont permettant de relier New York à Rikers Island

Les prisons américaines étant réputées pour les violences entre codétenus, les agressions et les bagarres quotidiennes et l’influence des chefs de gang, Rikers Island en est une parfaite illustration. C’est dans cet univers hostile que Kalief Browder a dû passer trois bonnes années au fil desquelles la paranoïa et les tendances suicidaires s’installèrent dans son esprit. En juin 2013, une nouvelle juge fraîchement débarquée dans le quartier du Bronx (là où eu lieu le supposé vol) prononça le verdict et juge Kalief Browder innocent. Une fois libéré, il a donné une conférence de presse pour raconter son histoire ainsi que son vécu dans le pénitencier de Rikers Island.

Deux ans après sa libération, et après plusieurs tentatives de suicides, Kalief fut retrouvé, pendu, par sa mère dans le jardin de leur maison familiale en Juin 2015. Kalief n’a pas pu en finir avec les démons qui l’ont habité tout au long de sa détention et qui furent à la base de ses nombreuses tentatives de suicide. Après donc sa libération, il n’a pas pu supporter la vie extérieure et son esprit était toujours traumatisé par les séquelles de son séjour à Rikers Island.
Ce drame a fait réagir de nombreuses personnalités tant politiques que sociales des Etats Unis. On se demandait si Kalief avait été blanc de peau, aurait-il subi le même sort. La société américaine est toujours influencée par une dimension raciale très forte avec un système carcéral et judiciaire très vicieux.
On retient donc de cette histoire plusieurs faits majeurs :
-D’abord l’accusation à tord de Kalief sans véritable enquête
-Ensuite la fixation de sa clause libératoire sans tenir compte de sa situation
-Son incarcération dans l’un des pénitenciers les plus dangereux des Etats Unis alors qu’il était mineur
-La violence et les bagarres qui font le quotidien des prisonniers
Choqué par cette histoire, le Rappeur Jay Z s’est lancé dans la production d’un documentaire de six épisodes consacrés à Kalief Browder « Time : The Kalief Browder Story », en association avec le producteur hollywoodien Harvey Weinstein et sorti en Mars 2017.

Une histoire si triste, mais qui n’a finalement rien de spéciale en soi. Dans un pays où la justice fonctionne à deux vitesses, les noirs sont les grandes victimes de ce qui très souvent s’apparente à une parodie judiciaire ou une justice au faciès. L’histoire de Kalief Browder fait partie du quotidien de la population afro et il est important que le gouvernement américain ainsi que le Sénat y pensent vraiment.

Sam Fort

Passionné de médias sociaux, de foot, de voyage et de tout ce qui a trait aux générations X, Y et Z, j'aime écrire, partager mes connaissances et surtout apprendre. "Il faut réfléchir à comment être social, plutôt qu'à comment faire du social" (Jay Baer).