Santé/Epilepsie : une maladie taboue en Afrique

Par le 25/07/2020 0 1482 Views

C’est une maladie comme tout autre mais d’un genre particulier. Elle s’annonce chez celui qui en souffre par une crise et des débordements de salive. L’épilepsie est une maladie neurologique ayant pour point commun la répétition de crises épileptiques spontanées. En Afrique, cette maladie est considérée dans plusieurs contrées comme un malheur. Ceux qui en souffrent sont très souvent stigmatisés et fuir dès l’apparition de la crise. Ils vivent toute leur vie en marge de la société et se voient refuser plusieurs avantages de la société. Retour sur une maladie presque taboue en Afrique.

Cet après-midi du mois de mars, alors que la chaleur étouffait les populations, leur faisant pressé le pas pour trouver un abri, un petit attroupement s’est formé autour d’un homme dans cette rue d’un quartier de Cotonou. Ce n’est certes pas chose rare en Afrique mais par ces temps de covid-19, il est rare de voir plusieurs personnes se réunir dans un endroit.  Les spectateurs regardent en effet, un homme d’à peu près la quarantaine, subir une crise. Debout et bien portant il y a quelques instants, on le voit juste après au sol et faire des convulsions. Très vite, ceux autour de lui comprendront qu’il fait une crise d’épilepsie à cause de la bave qui sort de sa bouche. A côté de nous, une dame vient de donner un coup à son petit garçon curieux qui essayait de s’approcher du malade. Alors que le petit garçon s’enfuit en larme, nous lui demandons pourquoi, il faut laisser le malade seul se débattre ? « Parce que, si sans savoir, vous mettez pied dans les baves d’un épileptique, vous êtes contaminés sur le champ ».

Une hypothèse qui nous laisse sans voix alors que nous voyons le malade reprendre déjà ses esprits 20 minutes après sa crise. Il se relève difficilement, le regard baissé et assisté par une de ses amies restée seule proche de lui. Elle lui apporte de l’eau au moment où une vielle femme jette des charbons chauffés dans les baves du malade. On assistera à des crépitements juste après. Petit à petit, la foule se disperse chacun avec des hypothèses sur la maladie. M. Koffi (nom d’emprunt) nous explique quand on s’approche de lui qu’il n’était pas épileptique dans son enfance. « J’ai commencé cette crise durant la période de l’adolescence. Au début, c’était une fois par semestre mais c’est de plus en plus fréquent maintenant. Mes parents ne m’ont pas donné des soins sous prétexte que j’ai hérédité d’un oncle maternel. J’ai commencé des soins moi-même depuis quelques mois et j’espère guérir » nous raconte t’il le regard fuyant.

Le cerveau, lors d’une crise d’épilepsie

L’épilepsie en Afrique

L’épilepsie, aussi appelée mal comitial, est une affection neurologique qui touche plus de 50 millions de personnes à travers le monde1. L’épilepsie se manifeste habituellement durant l’enfance ou à l’adolescence, ou encore après l’âge de 65 ans, plus rarement à partir de 30 ans.

Dans une étude sur les connaissances attitudes et pratiques des populations d’une communauté rurale sur l’épilepsie, des médecins dont P. Gandaho, T. Adoukonou, apprennent à travers un questionnaire sur la connaissance, l’attitude et les pratiques des habitants du village de Tourou dans la commune de Parakou au nord du Bénin que sur « l’épilepsie était considérée comme due à l’hérédité (98 %), l’envoûtement (97,9 %) et la transgression des interdits sociaux (65,9 %). Elle est considérée comme une maladie contagieuse par 90,6 % des sujets interrogés. Les facteurs associés à cette considération étaient le sexe et la profession. Les principaux modes de contamination cités étaient le contact avec la salive du patient (98,1 %), et avec le lieu de la crise (97,8 %) ; 65 % des sujets considéraient que l’épileptique ne pouvait se marier, les facteurs associés à cette considération étaient l’âge et la profession. 64,4 % pensaient que l’épileptique ne peut être scolarisé et l’âge, l’ethnie et la profession étaient les facteurs associés. L’épilepsie était considérée comme une maladie guérissable par 99,4 % et seulement par la médecine traditionnelle, seulement 12,7 % auraient adressé les épileptiques à l’hôpital. Tous les sept épileptiques se considéraient comme stigmatisés et rejetés par leur entourage. Les considérations socioculturelles associées à l’épilepsie expliquent la stigmatisation et le déficit thérapeutique dans ce milieu ».

Tous ceux que nous questionnerons aussi de notre côté restent très évasifs et craintifs face à cette maladie. L’épilepsie souffre d’une image péjorative dans la société, liée en partie à une méconnaissance de la maladie. Pendant longtemps, elle a été considérée comme une maladie psychiatrique ou comme le résultat d’une possession démoniaque. On se rend compte que c’est une maladie certes connue du grand public mais qui amène le malade à vivre contre tout attente en marge de la société.

Détails de crise d’épilepsie
image: le parisien

Peut-on en guérir ?

M. Koffi nous a expliqué qu’avant le début de chaque crise, il sent d’abord des picotements au niveau de son cerveau qui se propagent très vite dans le reste de son corps et des tremblements s’en suivent. Selon Passeport Santé, « L’épilepsie se caractérise par une augmentation soudaine de l’activité électrique dans le cerveau, entraînant une perturbation temporaire de la communication entre les neurones. Habituellement, elles sont de courte durée. Elles peuvent avoir lieu soit dans une zone précise du cerveau, soit dans son ensemble. Ces influx nerveux anormaux peuvent se mesurer durant un électro-encéphalogramme (EEG), un examen qui permet d’enregistrer l’activité cérébrale ». Il est difficile de détecter les causes de cette maladie mais elle semble être une maladie héréditaire.  Mais le site nous informe que « les chercheurs ont lié certains types d’épilepsie au mauvais fonctionnement de plusieurs gènes. Pour la plupart des malades, les gènes ne constituent qu’une partie de la cause de l’épilepsie. Certains gènes peuvent rendre une personne plus sensible aux conditions environnementales qui déclenchent des convulsions. En de rares occasions, l’épilepsie peut être due à une tumeur cérébrale, une séquelle d’un accident vasculaire cérébral ou d’un autre traumatisme au cerveau. En effet, une cicatrice peut se former dans le cortex cérébral, par exemple, et modifier l’activité des neurones ».

Face à l’épilepsie, il y a des traitements pour soulager celui qui en souffre. Sur ce point, le site de Neurologie explique que le traitement est basé sur le type d’épilepsie, généralisée ou partielle ; idiopathique ou symptomatique. Un traitement anti épileptique non approprié peut aggraver une épilepsie. « Les traitements médicamenteux ont pour objet de faire disparaître les crises ou au moins de réduire leur fréquence et/ou leur intensité. Il existe de nombreux médicaments actuellement disponibles qui sont efficaces dans environ trois quart des épilepsies, c’est-à-dire qu’ils suppriment les crises pourvu que les patients respectent certaines règles de vie (en particulier une bonne compliance, un sommeil suffisant, éviter la prise de toxiques épileptogènes,…). La mise en route d’un traitement se discute au cas par cas en fonction du risque de récidive après une première crise et s’impose dans certaines circonstances en particulier lorsqu’il y a répétition de crises rapprochées qui peuvent aboutir à ce que l’on nomme un état de mal épileptique ». C’est-à-dire que si le malade se fait vite prendre en charge et suit des traitements, il y a de fortes chances que les crises deviennent rares et disparaissent au fil du temps.

Perpétue Houéfa AHOMAGNON

Diplômée en journalisme audiovisuel, j'ai découvert après mon cursus universitaire, l'univers des blogs, de la rédaction web. Depuis, je me suis presque auto-formée dans le domaine. Des formations par ci par là, des cours en ligne, tout ce qu'il faut pour me perfectionner et utiliser ces nouveaux médias pour atteindre mes objectifs. Je suis en fait une passionnée des nouveaux médias, des femmes, des jeunes, de la vie au niveau local. Je suis intéressée par les sujets sur l'Afrique, sur la situation des femmes et des enfants sur le continent mais aussi par le développement local. Et c'est ce que je traite à travers mes articles sur ce blog. " La confiance en soi est le premier secret du succès" Ralph Waldo