PRESIDENTIELLE 2020 EN COTE-D’IVOIRE : LE PARI RISQUE DE OUATTARA

Par le 13/08/2020 0 1015 Views

Le 6 août, veille de l’anniversaire de l’accession de son pays à l’indépendance, le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara, a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre. Il mettait ainsi fin à un faux suspense après la mort du premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat désigné du RHDP. Cette annonce intervient dans un contexte où les principaux opposants et probables candidats à cette élection sont handicapés par leurs ennuis avec la justice de leur pays. Une élection exclusive qui fait craindre aux observateurs le scénario du pire.

«Je suis candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre», a déclaré Alassane Ouattara dans son discours à la nation à la veille du 60e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. L’occasion  est solennelle. Le discours à la nation est un moment de grande écoute. Dans presque tous les pays du monde, autant les soutiens que les opposants sont attentifs au discours à la nation d’un chef d’Etat. C’est souvent un moment de grandes annonces. Ouattara a donc bien choisi son timing. Pour justifier son choix, il évoque deux raisons principales : un cas de force majeure et un devoir citoyen. « J’avais fait part, le 5 mars dernier, à toute la nation de ma volonté de ne pas faire acte de candidature et de passer la main à une nouvelle génération. J’avais commencé à organiser mon départ, planifier ma vie après la présidence, relancer les activités de ma fondation », rappelle-t-il, comme le rapporte Jeune Afrique, avant d’ajouter que « l’homme propose, Dieu dispose ». Pour lui, le décès de l’ancien premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat désigné du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a « laissé un vide dans l’équipe mise en place pour poursuivre » son programme. « Face à ce cas de force majeur, j’ai décidé de répondre favorablement à l’appel de mes concitoyens. Cette décision, mûrement réfléchie, est un devoir que j’accepte dans l’intérêt supérieur de la nation » Il n’avait pas donc d’autre choix, semble-t-il faire savoir.

Comme le rapporte RFI, « le chef de l’État ivoirien a ensuite listé les points qui, selon lui, nécessiteraient une continuité à la tête du pays : les défis pour maintenir la paix et la sécurité en Côte d’Ivoire, le besoin de juguler la pandémie de coronavirus, les risques que tous les acquis de ses neuf ans de pouvoir soient compromis. »

Le faux suspens d’une candidature attendue

Cette annonce n’est pas une surprise en soi, tant elle était attendue depuis le décès soudain du candidat du RHDP à l’élection d’octobre prochain. Après la disparition d’Amadou Gon Coulibaly, tous les ténors du parti présidentiel étaient montés au créneau pour appeler Ouattara à se présenter.

Alassane Ouattara et feu Amadou Gon Coulibaly

Le samedi 25 juillet, au siège du parti à Abidjan lors d’une réunion des cadres et élus du district de Woroba au nord-ouest, Hamed Bakayoko s’est fait le porte-voix des élus et militants RHDP de la région. Prenant la parole, explique Radio France Internationale, il a « demandé avec insistance » à Alassane Ouattara « de se porter candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 (..) afin de maintenir le climat de paix, de sécurité et de cohésion sociale ». « Nous, population du Woroba, demandons avec insistance au président Alassane Ouattara d’accepter de se porter candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020. », soutient-il. Mercredi 29 juillet, même scénario. Devant les membres du Conseil politique du parti convoqués d’urgence par Alassane Ouattara au Sofitel Hôtel Ivoire, Adama Bictogo, le directeur exécutif, lance : « Monsieur le président, vous êtes notre boussole, le bouclier du RHDP, le manteau protecteur de notre pays contre les incertitudes et les aventures ». Invoquant déjà à cette occasion « le cas de force majeure », les instances du parti le « pressaient de se porter candidat ». Ce jour-là, le président ivoirien n’a pas donné sa réponse, appelant à la patience et demandant d’attendre l’issue de la période de deuil musulman avant de répondre. Mais, ce n’était qu’un faux suspense !

Une élection jouée d’avance ?

Alassane Dramane Ouattara a le boulevard ouvert pour l’élection présidentielle du 31 octobre. Et pour cause. Le président ivoirien, candidat à un troisième mandat se présente presque seul à cette élection.  En face, il aura l’ancien président Henri Konan Bédié candidat désigné pour porter les couleurs du PDCI. Exit Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Acquitté par la Cour pénale internationale, Gbagbo attend toujours son passeport rentrer en Côte-d’Ivoire où il est condamné en 2018 à 20 ans de prison pour « vol en réunion par effraction, portant sur des caves à l’Agence nationale de la Bceao (Banque centrale des états de l’Afrique de l’ouest), et des numéraires; complicité de vol en réunion, par effraction; destruction d’une installation appartenant à autrui; détournement de deniers publics ». L’ancien président de l’assemblée nationale quant à lui vit en exil en France après sa condamnation à vingt ans de prison lui aussi pour « recel de deniers publics détournés et de blanchiment de capitaux ». Les noms des deux sont retirés de la liste électorale, les privant du coup de leurs droits d’être électeur et éligible. Cette éventualité de l’absence de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro alimente les débats à Abidjan et fait craindre des tensions déjà perceptibles. Pour faire douter les pronostics favorables à Ouattara, Bédié compte sur une alliance avec les probables recalés. Mais, le grand défi pour les Ivoiriens demeure une élection apaisée qui ne donne pas lieu à un nouveau conflit sanglant.