LES GRANDS HOMMES POLITIQUES NOIRS DU 20e SIECLE: KWAME NKRUMAH (1ère partie)
Kaya Maga poursuit l’exploration des hommes et femmes noirs ayant façonné notre monde actuel par leur personnalité. Après Thomas Sankara en novembre, c’est Kwame Nkrumah, premier président du Ghana indépendant qui est à la Une ce mois, à travers cet article en deux parties.
Naissance et formation
Né le 21 septembre 1909 à Nkroful (alors Côte-de-l’Or (colonie britannique) et actuel Ghana), Kwame Nkrumah est le fils unique d’une mère commerçante et d’un père chercheur d’or. Après avoir suivi ses premières années d’études chez les jésuites, Nkrumah devient à 17 ans moniteur-élève et est remarqué par un inspecteur qui l’envoie poursuivre ses études dans la banlieue d’Accra. Dans son article intitulé « Grandeur et déclin de Kwame Nkrumah, père du panafricanisme », publié sur rfi.fr le 24 février 2016, Tirthankar Chanda le décrit comme un « homme éclairé, soucieux de faire de la politique un moyen de libérer son peuple et unir l’ensemble du continent africain ». Saïd Bouamama renseigne dans Figures de la révolution africaine qu’en 1935, quelques années après sa sortie de l’université, il embarque pour les États-Unis où il poursuit ses études à l’université de Lincoln et obtint une licence en économie et en sociologie en 1939.
Arrivé aux Etats-Unis, il intègre alors une association d’étudiants africains qu’il contribue à transformer en Association des étudiants africains des États-Unis et du Canada et en devient le président entre 1942 et 1945. Dans cette université, Nkrumah se fait remarquer pour son intérêt aux questions du colonialisme et de l’impérialisme. Le journal de l’association se fait le relais des idées panafricaines. Si la lecture de Marx et Lénine l’impressionne car, dit-il, « j’avais la certitude qu’ils avaient développé une philosophie de caractère à résoudre ses problèmes », il est principalement intéressé par les théories du « Retour en Afrique » et de « l’Afrique aux Africains » de Marcus Garvey.
En 1945, il part pour Londres où il adhère au syndicat des étudiants d’Afrique occidentale (la WASU) et entreprend brièvement d’étudier le droit, mais se trouve rapidement absorbé par ses activités politiques.
Idéologie et engagement politique
Avant de quitter les États-Unis pour la Grande-Bretagne, où devait se tenir le 5e congrès panafricain de 1945 à Manchester, Nkrumah rédige la brochure « Vers la libération nationale » dans laquelle il développe son analyse du colonialisme qu’il décrit comme « conséquence des besoins du capitalisme d’accéder à des matières premières au moindre coût, de disposer d’une main d’œuvre bon marché et d’écouler ses surproductions. Pour lui, les discours sur la mission civilisatrice et sur l’éducation des indigènes ne sont que des prétextes pour dissimuler la réalité du colonialisme. »
Retourné dans son pays en 1947, il prend la tête du nouveau parti pour l’indépendance le « United Gold Coast Convention (UGCC) ». Il retrouvera un pays encore sous forte domination britannique, mais un pays résistant de plus en plus à la puissance coloniale. En 1948, rapporte Amzat Boukari-Yabara dans “Africa Unite, une histoire du panafricanisme”, accusé d’agitation politique, Nkrumah fut arrêté lors d’une manifestation contre le gouvernement et emprisonné pendant deux mois. Cette arrestation lui confère un statut de martyre politique qu’il cultive d’ailleurs.
Avec le soutien de l’organisation de jeunesse de l’UGCC, il annonce le 12 juin 1949 la fondation d’un nouveau parti, la Convention People’s Party (CPP). Souhaitant l’indépendance de son pays, il appelle au boycott et à la désobéissance civile. Ce qui lui vaut d’être à nouveau arrêté par les autorités britanniques en 1950 et condamné à trois ans de prison. Mais, les grèves et manifestations organisées par la CPP ont permis cette même année la promulgation d’une nouvelle Constitution prévoyant une assemblée législative dont 75 membres seront Africains et des élections municipales. Le 8 février 1951, son nouveau parti obtient 34 des 38 sièges du conseil municipal d’Accra et remporte également les législatives. Il est alors désigné pour former un gouvernement. Se basant sur la politique « d’Africanisation de l’administration et de panafricanisme », il décide de développer les infrastructures de son pays grâce aux excédents de l’Office de commercialisation du cacao, signale Samir Amin, dans « Ghana ».
1956 : de nouvelles élections législatives sont organisées et son parti la CPP remporte les trois quarts des sièges. Fort de son succès, il oblige alors le Royaume-Uni à concéder à son pays l’indépendance qui est proclamée le 6 mars 1957. Le jour même de l’indépendance, Nkrumah décide d’abandonner le nom colonial du pays en adoptant Ghana, en hommage à l’ancien empire du Ghana. Dans son discours, il rappelle que « l’indépendance du Ghana n’avait pas de sens si elle n’était pas liée à la libération totale de l’Afrique ». Nkrumah est convaincu que « aucun État ne peut résister individuellement aux grandes puissances. Selon lui, l’arbitraire des frontières des pays anciennement colonisés peut par ailleurs provoquer des guerres. », précise Charles Zorgbibe dans son article « Lusaka : les habits neufs du panafricanisme » publié en 2001 dans la périodique Géopolitique africaine.
Kwame Nkrumah était en avant-garde des luttes pour l’indépendance et l’unité des Etats africains. Le 24 mai 1963, dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba, 32 pays africains à peine indépendants se sont réunis pour jeter les bases de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA). Il y a tenu un discours dont « le titre – “Unis, nous résistons” (We Must Unite Now or Perish) reflète le désir d’unité du monde africain et le sentiment d’urgence » qui l’animait.
En attendant la suite de cet article qui lui est consacré, vous pouvez accéder au discours via ce lien: http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1794