Culture : il faut préserver les langues maternelles

Par le 26/02/2020 0 2247 Views

Les langues sont des instruments puissants pour préserver et développer notre patrimoine matériel et immatériel. Véritable et plus puissant moyen de communication, les langues permettent à des communautés de se retrouver et de s’identifier pour partager une culture, un héritage, surtout quand il s’agit des langues maternelles. Mais force est de constater que de plus en plus, les langues maternelles tendent à disparaitre. Et si c’est le cas, c’est une partie de l’identité mondiale qui s’éteindra.

« Plus de 43% des quelque 6 700 langues parlées dans le monde sont menacées de disparition. Seules plusieurs centaines de langues sont véritablement valorisées dans le système éducatif et dans le domaine public, et moins d’une centaine sont utilisées dans le monde numérique. Cela signifie que toutes les deux semaines, une langue disparaît pour toujours, emportant avec elle tout un patrimoine culturel et intellectuel » alerte l’Unesco. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) célèbre chaque année et ce, depuis 1999, la Journée Internationale de la Langue Maternelle. Se basant sur le contexte de la célébration de cette journée, l’Organisation explique que la célébration de la journée permet d’attirer l’attention sur les questions linguistiques mais aussi de mobiliser des partenaires et des ressources pour appuyer la mise en œuvre des stratégies et politiques en faveur de la diversité linguistique et du multilinguisme dans toutes les régions du monde. Mieux, pour l’ONU, « les langues jouent un rôle déterminant dans le développement, qu’il s’agisse de :

  • Promouvoir la diversité culturelle et le dialogue interculturel ;
  • Renforcer la coopération ;
  • Offrir à tous une éducation de qualité ;
  • Construire des sociétés du savoir intégratrices ;
  • Préserver le patrimoine culturel ;
  • Mobiliser la volonté politique pour appliquer les acquis des sciences et technologies au développement durable».

Les langues en Afrique

En Afrique par exemple, le nombre de langues africaines est estimé à environ 2000, ce qui représente un tiers des langues du monde. « Seulement 400 environ d’entre elles ont été décrites. Il en reste 1600 qui n’ont pas bénéficié d’études sérieuses. Aucune de ces langues aujourd’hui n’a d’audience sur le Web. Celles qui ont connu une description souffrent d’enrichissement en vue de devenir de véritables langues vivantes sur la Toile mondiale. C’est un patrimoine incroyable complètement négligé malgré les immenses opportunités que nous offrent les nouvelles technologies. Du coup, 80 % du contenu existant sur internet existe dans 10 langues occidentales. C’est une situation qui interroge la diversité intrinsèque à l’espace numérique » dixit la Journaliste béninoise Sinatou Saka, Cheffe de projet éditorial à Idémi dans un article récent sur notre site.

La langue, comme un héritage

“Langues sans frontières” est le thème de la Journée internationale de la langue maternelle 2020. Les langues locales et les langues transfrontalières peuvent favoriser un dialogue pacifique et contribuer à la préservation du patrimoine autochtone. Il est fréquent que les locuteurs et locuteurs d’une langue partagent une culture commune avec des communautés de pays voisins. C’est par exemple le cas pour le swahili en Afrique subsaharienne ou le quechua en Amérique du sud.

Sur la question de savoir si les langues africaines, qui sont pour la plupart des langues maternelles, se meurent, Sinatou Saka explique « Personnellement, je ne pense pas qu’une langue meurt. C’est un avis personnel qui refuse de simplement se baser sur des chiffres, des nombres pour décider de la mort d’une langue. Ceci-dit, si internet continue ainsi à se développer sans les langues africaines, il y a un vrai risque à ce qu’elles soient moins présentes dans l’espace public. C’est certain. Je crois donc qu’en les faisant exister, on ne leur donne pas une seconde vie, elles progressent et évoluent grâce à ceux qui là parlent sur internet. Car c’est bien ça le plus important, parler sa langue sur internet permet à cette langue de se greffer aux codes numériques et donc de valoriser et de montrer au monde entier ce qu’elle renferme de valeurs, traditions et cultures. Ce n’est plus la langue d’un pays mais de plusieurs régions ». En clair, la journaliste recommande l’exportation des langues sur internet.

Des organisations internationales et des institutions mettent, de leurs côtés, tout en œuvre pour que ces langues ne disparaissent pas. L’organisation internationale CARE témoigne que les langues des minorités et des peuples autochtones sont particulièrement menacées. Pourtant, elles sont un moyen formidable de transmission de la culture, des valeurs et du savoir traditionnel. La maîtrise de la langue d’apprentissage est fondamentale pour le développement des compétences telles que la lecture, l’écriture et le calcul. Ne pas parler la langue est également un facteur d’exclusion sociale. C’est pourquoi, l’ONG met en place des actions dans plusieurs pays pour la préservation des langues maternelles. « Le Guatemala compte 23 langues locales et la Thaïlande plus de 60. Dans ces deux pays, CARE accompagne les autorités locales dans la mise en place de programmes et de guides d’alphabétisation en langues autochtones.  Au Maroc, CARE met en place des programmes d’alphabétisation pour les femmes et les filles, de formation et d’accompagnement des parents, et de sensibilisation à la question du genre. Cela permet aux femmes à la fois d’affronter les nouveaux défis de la société, mais aussi d’améliorer leur condition de vie et d’être indépendantes » apprend –t’on.

Il faut préserver les langues maternelles

Comme elle, plusieurs autres actions sont mises en place par des institutions pour cette préservation. Des plaidoyers, des partenariats, des livres écrits et promus en langues maternelles, des formations, sont autant de mesures prises par les gouvernants dans ce sens. Dans ce cadre, l’ONG Global Partnership développe qu’il s’agira, pour tous surtout les gouvernants, de travailler à l’utilisation durable de la langue maternelle dans l’enseignement, tout au long de la scolarité, de sorte à corriger l’image du modèle pratiqué, dans de nombreux pays africains, que l’opinion publique compare souvent à une voie sans issue. L’enseignement en langue maternelle est brutalement abandonné, en cours de scolarité pour ne conserver que la seule langue officielle/étrangère. Ces modèles d’enseignement soustractif ou de sortie précoce (de transition), ne permettent pas d’intégrer la phase d’évaluation sommative en langue maternelle, ce qui constitue un facteur redoutable de démotivation, pour toute la communauté éducative (par ex. les apprenants, les parents, les enseignants, etc.). Parce que, comme le dit CARE International « La diversité linguistique fait partie du patrimoine historique et culturel mondial. Préservons-la ! ».

Perpétue Houéfa AHOMAGNON

Diplômée en journalisme audiovisuel, j'ai découvert après mon cursus universitaire, l'univers des blogs, de la rédaction web. Depuis, je me suis presque auto-formée dans le domaine. Des formations par ci par là, des cours en ligne, tout ce qu'il faut pour me perfectionner et utiliser ces nouveaux médias pour atteindre mes objectifs. Je suis en fait une passionnée des nouveaux médias, des femmes, des jeunes, de la vie au niveau local. Je suis intéressée par les sujets sur l'Afrique, sur la situation des femmes et des enfants sur le continent mais aussi par le développement local. Et c'est ce que je traite à travers mes articles sur ce blog. " La confiance en soi est le premier secret du succès" Ralph Waldo