CRISE MALIENNE : IBK renversé, et après ?

Par le 20/08/2020 0 1405 Views

Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a annoncé tard la nuit du mardi 18 août sa démission et la dissolution du Parlement. Plus tôt dans l’après-midi, il avait été arrêté avec son premier puis conduit au camp de Kati d’où est partie la mutinerie qui a conduit à sa chute. Au lendemain de ce changement de pouvoir à Bamako, les Maliens et la communauté internationale s’interrogent sur les intentions réelles des nouveaux maîtres. 

Ce mercredi, les Maliens se sont réveillés avec de nouveaux maîtres à la tête du pays. Regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), les « forces patriotiques » qui ont pris le pouvoir à Bamako disent avoir « décidé de prendre [leurs] responsabilités devant le peuple et devant l’Histoire ». Arrêté dans la journée du mardi en compagnie de son premier ministre, le président IBK a finalement annoncé sa démission. Son départ du pouvoir est l’épilogue d’un mouvement de contestation populaire lancée par le M5 depuis début juin. Réunissant une partie de la société civile, de l’opposition et de religieux, le  Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) réclamait la démission de IBK et de son gouvernement sans succès. C’est finalement une mutinerie qui l’a emporté. S’adressant à ses compatriotes, rapporte RFI, il a déclaré avoir œuvré, depuis son élection en 2013, à redresser le pays et à « donner corps et vie » à l’armée malienne. « Si, aujourd’hui, il a plu à certains éléments de nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je réellement le choix ? M’y soumettre, car je souhaite qu’aucun sang ne soit versé pour mon maintien aux affaires », continue-t-il, résigné. Puis, il conclut : « C’est pourquoi je voudrais à ce moment précis, (…) vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions, à partir de ce moment. Et avec toutes les conséquences de droit : la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement ».

De leur côté, les nouveaux dirigeants ont fait leur première déclaration officielle. Lors d’une conférence de presse tenue dans l’après-midi de ce 19 août, le colonel-major Ismaël Wagué, porte-parole du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a livré le message de la junte militaire. Ils ont appelé les Maliens à « vaquer librement à leurs occupations et à reprendre sainement leurs activités », tout en demandant la fin du vandalisme. Les militaires déclarent vouloir mettre en place une « transition politique civile » devant conduire à des élections générales dans un « délai raisonnable ». Seulement, il est difficile de dire avec précision comment ils comptent s’organiser pour y parvenir.  Ce que l’on sait par contre, c’est l’engagement des nouveaux dirigeants pour le respect de « tous les accords internationaux ».

Comme au lendemain de tout changement de régime à la suite d’un coup d’Etat, la junte au pouvoir à Bamako dépeint le pouvoir de leur prédécesseur en noir, dénonçant le « clientélisme politique », la « gestion familiale des affaires de l’État », la « gabegie, le vol et l’arbitraire ». Les militaires promettent vouloir lutter contre la corruption. Il est à craindre une chasse aux sorcières dont la junte profite pour régler des comptes. Comme sous certains régimes militaires ayant pris le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat, il est à souhaiter que les promesses des nouveaux maîtres soient tenues afin que le Mali revienne dans le concert des Nations. Ils sont en tout cas attendus sur la libération de IBK et de toutes autres personnalités arrêtées.

Restée silencieuse depuis la mutinerie du mardi 18 août, la coalition d’opposition du M5-RFP s’est enfin prononcée à travers un communiqué et « prend acte de l’engagement du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) d’ouvrir une transition politique civile ». Se disant prête à travailler avec la junte pour «une transition républicaine», le M5-RFP affirme qu’elle « entreprendra toutes les initiatives » pour « l’élaboration d’une feuille de route dont le contenu sera convenu avec le CNSP et toutes les forces vives du pays ». Quelle sera la réaction de la junte à cette main tendue de l’opposition civile et quelle sera la place de cette coalition, et de l’Imam Mamoudou Dicko en particulier, dans la conduite de la transition politique qui s’ouvre au Mali? Wait and see!