Suspension de l’injection de l’AstraZeneca : De l’eau au moulin des anti-vaccins
Alors que la course aux vaccins contre le Covid-19 fait rage dans tous les pays du monde, l’AstraZeneca fait la Une des journaux depuis quelques jours, pour des raisons peu rassurantes. La France, l’Italie, l’Allemagne et Espagne ont suspendu l’injection de ce vaccin après l’Autriche, le Danemark, la Norvège, l’Islande, les Pays-Bas et la Suède. Ce qui n’est pas de nature à convaincre les anti-vaccins à se faire vacciner.
Fin décembre 2019, le monde a découvert le Covid-19, ce nouveau coronavirus mortel et à expansion rapide. Très vite répandu sur tous les continents, le bilan à ce jour est lourd et une nouvelle vague est à craindre. Alors, quand en août 2020, la Russie a annoncé avoir mis sur pied le premier vaccin contre la pandémie, c’était une lueur d’espoir, malgré le scepticisme et la méfiance des Européens quant à la rapidité de la mise sur le marché du vaccin russe Spoutnik V. Mis au point par l’Institut Gamaleya, plusieurs études, dont une publiée en février dans la revue médicale The Lancet accordent à ce vaccin un taux d’efficacité avoisinant les 92%. A la suite de la Russie, d’autres laboratoires ont mis sur le marché leurs vaccins. Sur le site de l’Organisation Mondiale de la Santé, on peut lire « Au 18 février 2021, au moins sept vaccins différents avaient été mis à disposition dans les pays par l’intermédiaire de trois plateformes. (…) Parallèlement, plus de 200 vaccins candidats sont en cours de mise au point, dont plus d’une soixantaine sont en phase de développement clinique ». En autres vaccins mis sur le marché en dehors de Spoutnik V, il y a Moderna, Pfizer-BioNTech, Johnson&Johnson, AstraZeneca. « Moins cher que les autres, comme le fait remarquer Jean-Michel Bos dans un article sur le site de la Deutsche Welle, la radio internationale allemande, et plus facile à stocker puisqu’il peut être conservé dans des réfrigérateurs et non à très basse température. », AstraZeneca est la vedette des vaccins. Car tous les pays se l’arrachent, des Etats-Unis aux pays européens, sans oublier les pays d’Afrique eux aussi dans la danse. Mais depuis quelques jours, AstraZeneca fait objet de débats, pour des raisons peu reluisantes.
Des suspensions en cascade …
Pays le plus touché du continent, l’Afrique du Sud qui a connu en décembre 2020 l’apparition d’un variant du virus, plus virulent, a été le premier africain à recevoir 1 million de doses de vaccin AstraZeneca le 1er février. Mais, patatras ! L’espoir n’a duré que quelques jours. Le dimanche 7 février, Zweli Mkhize, le ministre de la santé ne pouvait cacher son amertume, comme le rapporte La Croix sur son site. « Nous sommes très déçus. Nous étions prêts (…) mais les experts ont démontré que [le vaccin AstraZeneca] n’était pas, statistiquement, assez efficace contre une infection légère ou modérée. J’ai demandé à notre équipe scientifique de se réunir au plus vite pour savoir quelle approche adopter. » La raison : « les résultats de l’essai clinique mené par l’Université du Witwatersrand de Johannesbourg sur un échantillon de 2 000 volontaires n’indiquent qu’une efficacité de 22 % sur les infections légères et modérées par le nouveau variant B.1.351, détecté pour la première fois en Afrique du Sud en décembre. » Dans la foulée, le pays suspend son programme d’approvisionnement en vaccin AstraZeneca et se tourne vers Johnson&Johnson. Car, les essais cliniques menés en partie en Afrique du Sud sur ce vaccin à dose unique ont montré une forte efficacité sur le nouveau variant, notamment dans les cas sévères et pour les personnes de plus de 60 ans. En Europe aussi, on assiste depuis le 8 mars à une cascade de suspension de la vaccination à l’AstraZeneca. C’est l’Autriche qui a lancé le mouvement. Puis le Danemark, la Norvège, l’Islande, les Pays-Bas, la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. En Autriche, la décision de suspendre le vaccin est survenue après la mort d’une infirmière qui venait de recevoir une dose d’AstraZeneca, à cause d’une mauvaise coagulation sanguine. Même si le groupe pharmaceutique anglo-suédois qui produit l’AstraZeneca affirme qu’il n’y a « aucune preuve de risque aggravé » de caillot sanguin entraîné par son vaccin, et que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’il n’y a « pas de raison de ne pas utiliser » ce vaccin, les autres pays européens ont pris leur décision par précaution. Mais, ces mesures sont du pain béni pour les anti-vaccins.
… qui tombent mal pour la lutte contre le Covid-19 …
La suspension du vaccin AstraZeneca dans ces différents pays est un coup dur pour la lutte contre le nouveau coronavirus. La pandémie a infecté des millions de personnes et causé des millions de décès à travers le monde. De nouveaux variants sont apparus et des pays réfléchissement sérieusement à un confinement, même partiel pour endiguer la propagation du virus qui ne cesse de progresser et de varier. Face à cette maladie totalement hors de contrôle, seul un vaccin est la solution pour vivre avec. Puisque c’est de cela qu’il s’agit. Le Covid-19 fait désormais partie de notre quotidien. L’espoir a donc pris corps avec la mise sur le marché des différents vaccins. Commencée timidement dans différents pays, la campagne de vaccination connaît un coup d’arrêt avec la situation d’AstraZeneca.
…et apportent de l’eau au moulin des anti-vaccins
Malgré les conséquences désastreuses du coronavirus au plan individuel et collectif, de nombreuses personnes rejettent l’idée de vaccin pour des raisons diverses. En Ukraine par exemple, 60% de la population refuse le moindre vaccin même si ce dernier est gratuit. Aux Etats-Unis, 47% des électeurs de Donald Trump ne souhaitent pas se faire vacciner. Les raisons de ce refus sont aussi bien politiques que liées au déni de la pandémie. Faisant état d’une campagne de désinformation contre Pfizer-BioNTech en Israël, Sophie Malibeaux de RFI relate un récit conspirationniste selon lequel une élite mondiale se sert d’un virus créé en laboratoire pour exercer un contrôle sur les populations. En Afrique, le refus de se faire vacciner tient aussi à une théorie du complot véhiculée depuis le lancement des essais cliniques pour mettre sur pied des vaccins contre le Covid-19. On a pu lire sur les réseaux sociaux les positions tranchées de certains internautes qui déconseillaient aux africains de se soumettre aux essais cliniques parce qu’ils viseraient à exterminer la population du continent. Ensuite, dès que les vaccins ont été mis sur le marché, les mêmes théories ont continué. Lorsque la nouvelle de la suspension de la vaccination à l’AstraZeneca est tombée, elle a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux, comme pour dire « voyez-vous, nous avions raison ». Mais, s’il ne faut pas se faire vacciner, il faudra nécessairement trouver un jour une solution pour combattre la pandémie du Covid-19. Et pour le moment, c’est un vaccin qui est proposé.