Santé/ Obésité : la Banque Mondiale tire la sonnette d’alarme
Début février, la Banque mondiale a publié un rapport intitulé : « Obesity, Health and Economic Consequences of an Impending Global Challenge ». Rappelant que les maladies liées au surpoids et à l’obésité, comme le diabète, les maladies cardiaques et le cancer, figurent parmi les trois principales causes de décès dans la plupart des pays du monde à l’exception de l’Afrique subsahariennes, la Banque mondiale alerte sur le danger que constitue cette affection. Dans son rapport, elle indique les cinq moyens pour inverser la tendance.
Les chiffres sont inquiétants. Dans son communiqué de presse N° : 2020/111/HNP, la Banque mondiale signale que le coût de l’obésité devrait atteindre plus de 7 000 milliards de dollars dans les pays en développement à l’horizon des quinze prochaines années. Pendant longtemps, le surpoids et l’obésité ont été considérés comme un problème de pays riches alors que 70 % des deux milliards de personnes en surcharge pondérale dans le monde vivent en réalité dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. L’obésité, précise le communiqué, est devenue une préoccupation croissante dans tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu parce qu’elle entraîne une augmentation des limitations fonctionnelles, de la mortalité et des dépenses de santé et qu’elle fait baisser l’espérance de vie et la productivité. Ainsi, selon des données récentes, la surcharge pondérale a presque triplé depuis 1975 et elle est désormais responsable de quatre millions de décès dans le monde chaque année. Par exemple, en Chine, entre 2000 et 2009, le coût des soins liés à l’obésité est passé de 0,5 à plus de 3 % des dépenses annuelles de santé du pays. Au Brésil, ces dépenses devraient doubler et passer de moins de 6 milliards de dollars en 2010 à plus de 10 milliards en 2050. En 2016, plus de deux milliards d’adultes (44 %) étaient en surpoids ou obèses, et plus de 70 % d’entre eux vivaient dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Cette situation préoccupe la Banque mondiale qui rappelle les causes de qu’elle appelle épidémie mondiale.
Causes et conséquences de l’obésité
Selon le rapport de la Banque mondiale, les facteurs favorisant la progression de l’obésité sont en grande partie liés aux comportements et à l’environnement. Il y a également la consommation des aliments ultratransformés et sucrés, le recul de l’activité physique lié aux progrès technologiques au travail et à la maison, sans oublier la consommation plus importante d’aliments nocifs pour la santé, souvent consécutive à un changement de statut du fait de l’augmentation de la richesse et des revenus. A ces causes, il faut ajouter l’exposition aux risques environnementaux, tels que la pollution de l’air et l’accès limité aux services de base qui contribuent aussi de manière significative à l’obésité. Les conséquences sont énormes tant pour l’Etat que pour les individus.
Le rapport le souligne, de nombreux pays du monde souffrent aujourd’hui de ce que l’on appelle le « double fardeau de la malnutrition », à savoir des taux élevés de retard de croissance chez les enfants et des taux d’obésité en augmentation rapide, compromettant encore plus leur capital humain. Cela se traduit par des modifications des structures familiales, car les membres de la famille, en particulier les femmes, deviennent par la force des choses les aidants de proches plus âgés. Ce phénomène pèse également plus lourdement sur les personnes pauvres qui sont plus vulnérables aux chocs sanitaires et économiques. Pour endiguer cette l’épidémie qui la préoccupe, la Banque mondiale recommande aux Etats des actions concrètes et des mesures à prendre.
Lutter contre l’obésité
Malgré l’augmentation de l’espérance de vie, la progression des pathologies chroniques et non transmissibles comme entre autres l’obésité demeure une menace mondiale. Préoccupée par cette situation, la Banque mondiale, tirant leçons des réussites de certains pays, a recensé cinq mesures prometteuses. Il s’agit de l’étiquetage obligatoire des aliments transformés, d’une meilleure éducation des consommateurs, des politiques fiscales fortes comme la taxation des aliments nocifs pour la santé, l’investissement dans des programmes de nutrition de la petite enfance et de meilleurs aménagements urbains, tels que des aires de jeux dans les écoles et des voies pour cyclistes et piétons.
Aux Tonga par exemple, le gouvernement a introduit un système de « taxes pour la santé » qui vise principalement à décourager les achats et à réduire la consommation de produits nocifs, comme le tabac, l’alcool et les boissons sucrées. Dans l’État du Kerala, au sud de l’Inde, la Banque mondiale travaille avec les pouvoirs publics pour éduquer les consommateurs et les producteurs de denrées alimentaires afin de réduire les acides gras trans (AGT) et le sel dans les aliments du commerce, en particulier ceux préparés dans les boulangeries, les restaurants et les points de vente d’aliments frits, en sensibilisant le public et les producteurs aux effets nocifs des huiles contenant des AGT et en proposant des solutions de rechange accessibles.
Comme le soulignait déjà en 2018 un rapport de la banque mondiale rédigé par des « économistes agricoles sensibles aux questions nutritionnels », La problématique de l’obésité comporte de nombreuses facettes. Si les pays veulent améliorer leur capital humain, avertit le nouveau rapport, ils ne pourront plus négliger les maladies non transmissibles ni l’un des principaux facteurs qui les sous-tendent, à savoir l’obésité. Tout l’enjeu sera de parvenir à adopter une approche globale qui mobilise l’ensemble du gouvernement et de la société et embrasse les secteurs de la santé, de l’éducation et de la protection sociale, mais aussi le climat, l’urbanisme et les transports, tout en s’attachant à associer le secteur privé et à consacrer des ressources suffisantes à la protection des générations futures. Pour insister l’urgence que représente l’épidémie, Annette Dixon, Vice-présidente de la Banque mondiale pour le Développement humain affirme en guise de conclusion « La réduction des taux de surcharge pondérale et d’obésité relève d’un bien public mondial. Lutter de manière proactive contre ce fléau contribuera de manière significative à renforcer le capital humain, à favoriser une croissance économique plus forte et à préserver la bonne santé d’une population active bien préparée pour un avenir productif. »