Les Brésiliens et le Vodoun : une histoire d’amour et de paix
10 janvier 2019, places publiques, rues, couvents, tous vibrent, comme chaque année, depuis 1993 au son des rythmes, chants et danses du Vodoun. Si au Bénin, cette religion ancestrale reste sacrée et empreinte de fierté, elle n’en demeure pas moins dans les pays où elle a été exportée durant la traite négrière. Au Brésil, le Vodoun encore appelé le Candomblé, est une religion qui procure, paix et santé à ses initiés mais leur permet aussi de garder un lien avec l’Afrique, leur passé.
« Cette religion est aussi importante qu’une famille, qu’une vie, elle procure la santé, l’union, la paix, la rencontre de soi et nous restitue notre identité en tant que Noir. C’est une richesse qui ne peut s’évaluer ». Ainsi s’exprime Pedro das Chagas, encore appelé Pedro du « Vodoun Sogbo, Enseignant du Candomblé dans la zone nord de Rio de Janeiro au Brésil. Comme lui, ils sont plus de huit millions d’adeptes à pratiquer cette religion ancestrale au Brésil selon le site slateafrique.com.
En effet, le Candomblé est arrivé d’Afrique durant le colonialisme. Il s’agit selon le site brésilien bresil-nordeste.com d’un mélange de diverses influences spirituelles qui était pratiqué par les esclaves comme un instrument de lutte contre la domination et l’exploitation des blancs sur les noirs. Le Candomblé est basé sur le culte de divinités africaines, les Orishas selon Slate Afrique. Le site renseigne que « les Orishas ont traversé l’Atlantique dans les cales des navires, avec les 3,5 millions d’esclaves arrachés aux côtes ouest-africaines pendant la traite (1549-1888) pour aller travailler dans les plantations et mines du Brésil ». Une version confirmée par les adeptes brésiliens de cette religion. Pedro Das Chagas nous raconte qu’il est descendant du « Axé Kpodagba », qui selon les recherches est une divinité venue d’Afrique, plus précisément du Bénin, de la ville d’Allada, raménée au Brésil par Gayakou Rosena. « J’ai connu ma religion grâce à mes aïeuls africains qui vinrent ici pendant la période d’esclavage et parlaient bien Yoruba. Ici, ils ont consacré un temple dédié à la réalisation des activités allant dans la sens de la perpétuation de nos mœurs et traditions africaines » nous témoigne t’il.
Mais cette religion créait un véritable lien communautaire entre les esclaves déportés au Brésil. « Face aux interdictions des colons, les esclaves ont donné des noms et une apparence catholique aux divinités africaines. Ils ont ainsi pu vénérer leurs propres dieux sous les traits d’un saint » nous apprend brésil-nordeste.com.
Le Vodoun célébré par des millions d’adeptes de part le monde répond aux quatre éléments du cosmos que sont l’eau, la terre, l’air et le feu. C’est une religion née de la rencontre des cultes traditionnels des dieux yorubas et des divinités Fon et Ewé lors de la création puis de l’expansion du royaume Fon d’Abomey aux XVIIe et XVII siècles selon le Point Afrique. « Cette religion n’a rien à voir avec la sorcellerie ou la magie noire. C’est une pratique religieuse qui consiste au culte d’un dieu créateur au-dessous duquel se trouvent d’autres dieux inférieurs qui servent d’intercesseurs à l’homme pour atteindre Dieu tout-puissant » dit Marucs Boni Teiga, journaliste béninois cité par le Point Afrique. Une intercession en qui croient fortement les adeptes brésiliens.
Le Vodoun, une richesse, un héritage
« Lorsque j’ai eu cinq ans, je suis devenu complètement aveugle. Tous les soins médicaux qui me permettraient de recouvrer la vue n’ont eu gain de cause. Ma maman et ma grand-mère m’ont alors conduit chez la prêtresse Dona Natalina de de l’Orixa Aziri qui était connue comme une pratiquante fervente et incontournable du culte Vodoun à l’époque. Celle-ci a conseillé à mes parents de m’initier aux religions africaines, un supposé moyen d’une probable guérison. Mes parents m’ont donc confié à Dona Natalina de Aziri chargée de s’occuper de mes obligations religieuses et initiatiques. En 1972, j’entrai au « Vodounkpamin » c’est-à-dire au couvent dépourvu de mes aptitudes visuelles, j’y étais resté vingt-un jours et à ma grande surprise, je sors et commençai à voir tout autour de moi : C’est mon premier contact avec le Vodoun, comme religion » raconte très reconnaissant Pedro Das Chagas aujourd’hui Avocat de formation, comptable, père de deux filles. Pour lui, c’est grâce à cette religion qu’il a pu parvenir à son niveau de vie actuel. « Je pratique la réligion vodoun autant que faire se peut : je le fais en signe de reconnaissance, ce qui m’amène à la pratiquer dès que j’ai un bout de temps, en famille, entre amis et avec mes enfants spirituels que j’initie chaque année ici dans mon temple » nous dit-il.
Cet état d’esprit est aussi celui du Babalawô Ivanir dos Santos, Docteur en Histoire Comparée à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro au Brésil, Membre de l’Association Brésilienne des chercheurs Noir(e)s (ABPN), Chercheur et Membre des laboratoires « História das Experiências Religiosas (LHER-UFRJ) » et « Estudos de História Atlântica das sociedades coloniais pós coloniais (LEHA-UFRJ) ».
Il fera son entrée il y a quarante ans dans cette religion après une crise personnelle et aussi parce qu’une ancienne prédication finira par se réaliser dans sa vie.
Face aux bienfaits reçus grâce à cette religion, il continuera son initiation pour passer du titre de l’orixa Oxossi à Oga, grand prêtre de couvent vodoun. « Et le 13 février 2006, je vais au Nigéria pour être initié à Ifá et désormais je suis sacré Babalawo, ceci dans la ville d’Ogbumosho au Nigéria par Olowo Jokotoye Bankole à Egbe Adifala, lieu où je connu d’autres faces de mon destin » raconte t’il avec fierté.
Une fierté que partage la grande prêtresse Dona Glorinha, agée aujourd’hui de 74 ans. « Je me sens accomplie dans mes diverses fonctions, aussi religieuse que professionnelle grâce à cette religion, qui me rappelle mes origines et mes racines profondes avec le Bénin. Elle me donne une espérance de Vie dans ce pays le Brésil » confie cette descendante du Nigeria.
Mieux encore pour elle, la religion Vodoun, appelée ici religions afro-brésiliennes ou le Candomblè est très profonde, elle est pratiquée et enseignée dans les couvents suivant les règles de la tradition. « J’espère qu’elle perdure pour nous rappeler notre passé et nos origines car elle constitue une base importante pour la culture brésilienne » nous dit Dona Glorinha. Alors que le Docteur Babalawô Ivanir dos Santos pense que c’est une religion extrêmement importante et « je ne m’imagine pas sans elle ». « En dehors de promouvoir notre harmonie intérieure, les religions afro-brésiliennes constituent ce lien qui nous relient aux choses sacrées dans toutes leurs formes de manifestation » finira t’il par dire.