La politique diplomatique africaine de Joe Biden : retour vers le néant !

Par le 15/02/2021 0 2117 Views

L’élection de Joe Biden et sa prise de pouvoir le 20 Janvier a suscité un vent de satisfaction au sein de la sphère politique et journalistique africaine. Elle n’aura toutefois pas estompé les doutes du rétrécissement de l’intérêt américain pour le continent. Les premières mesures prises par le président américain prennent une couleur ( sans jeux de mots) tournée vers l’image à travers les nominations de membres issus de la diaspora africaines. Les problèmes économiques, les conflits liés aux intérêts américains comme en République démocratique du Congo et le terrorisme attendront d’être abordés plus tard ! J’ai bien peur que la ligne John Kerry-Obama peu courageuse et ultra prudente soit encore celle qui persiste tout au long du mandat du nouveau président.

L’Afrique était le cadet des soucis de Donald Trump. Du côté du département d’État, aucun diplomate de haut rang n’a été nommé aux affaires africaines avant juillet 2018 et les déclarations condescendantes en étaient le symbole. Joe Biden a pris le pouvoir et tente d’instiguer une politique africaine différente de son prédécesseur par des actions symboliques.

Nomination

L’Américano-Guinéen Mahmoud Bah en tant que dirigeant intérimaire de la Millennium Challenge Corporation (MCC) : agence indépendante créée en 2004 chargé de l’aide au développement. Né à Lomé, ayant étudié à l’Université du Maryland et ayant exercé à Abidjan Mr Bah est l’archétype du membre de la diaspora qui évolue dans les arcanes de pouvoirs des deux continents. Sont aussi issus de cette diaspora africaine : le secrétaire adjoint au Trésor Wally Adeyemo et la conseillère dans l’équipe de riposte à la Covid-19 Osaremen Okolo nés de parents nigérians.

La nomination de membres issus de cette diaspora est un signe d’intégration de ces membres au sein de la société américaine. Elle revêt une forte valeur symbolique au regard de la fracture de plus en plus visible de la société américaine. Néanmoins elles n’ont aucun effet sur la politique diplomatique et militaire américaine sur le continent africain . Il serait même d’une naïveté imbécile de le penser !

Retour dans l’OMS

Enfin , le président américain a annoncé le retour de son pays au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Une organisation dont les États-Unis constituaient le principal donateur et un des plus grands pourvoyeurs en fonds médicaux des pays africain en difficulté sur le plan sanitaire. Donald Trump avait décidé de retirer son pays et avait qualifiée l’organisation de « marionnette » aux mains de la Chine.

Visas

Fini le « muslim ban » qui touchait plusieurs pays africains comme le Nigeria ou le Soudan grands pourvoyeurs en diaspora aux E-U. Ce décret signé par le tonitruant Trump dans son intelligence suprême de lutte contre l’Islam radical interdisait l’entrée aux E-U des pays majoritairement musulmans. Joe Biden envoie un signal fort aux citoyens des pays visés en annulant ce decret dès son entrée à la Maison Blanche.  Le nouveau gouvernement a aussi annoncé un projet de loi visant à faciliter la naturalisation des mineurs arrivés illégalement sur le sol américain.

Hormis ces nominations et ces actions symboliques, le président Biden a qualifié de « respectueux » son futur engagement envers l’Afrique. Totalement absente des débats de campagne à cause du coronavirus, Biden n’a pas décliné les actions concrètes de son mandant à destination du continent.

Les africains n’ont pas pu donc entrevoir les lignes directrices de sa politique diplomatique. Sur le terrorisme par exemple dans la région du Sahel, il n’a pas présenté d’options. Il faut dire que la tendance sous Trump était un retrait progressif des soldats présents dans la région. Ces soldats ont pour mission de renseigner les troupes françaises sur les positions jihadistres grâce à leurs technologies satellites.

 

Un autre sujet important concerne la forte présence de la Chine en Afrique et l’aide aux vaccins anti covid qui, à coup sûr, rythmera les relations avec les états africains ces prochaines années. Pour ces états africains, connaitre les différentes positions du nouveau président sur ces sujets facilitera leurs choix de coopération au mieux de leurs intérêts. Pour les Etats-Unis, afficher les orientations de la nouvelle administration clairement permettra de savoir si la politique isolationniste menée par Trump est vouée à s’installer dans le temps ; ou si au contraire, c’est le retour de la vielle politique à la sauce John Kerry et Obama saupoudrée de « moraline » et de concepts de démocratie. La politique africaine de Barack Obama ne fût pas un franc succès. Marqué par des atermoiements ; elle s’est souvent matérialisée par un côté « donneur de leçon » en bon américain paternaliste lors de ses discours. Mais malheureusement l’impact des huit années de gouvernance Obama fût relativement faible.  Avec Joe Biden, la diplomatie américaine dispose d’une nouvelle opportunité de révolutionner les relations avec l’Afrique.

Le nouveau président américain Joe Biden

Le nouveau président américain Joe Biden

L’administration est composée d’anciens membres de l’administration Clinton et Obama : Antony Bliken, Susan Rice. Ce qui ne démontre pas une vision de rupture avec les méthodes de diplomatie classiques. Joe Biden donne malheureusement l’impression de marcher dans les pas d’Obama. Au-delà des mots issus de la novlangue made in US, aucune action concrète n’est pour le moment en vue. Autant dire que les Africains n’ont intérêt qu’à compter sur eux-mêmes pour régler leurs problèmes.

L’idée d’un repli de l’Amérique sur elle-même face aux pays africains s’avère intéressante pour une plus grande autonomie des pays africains sur les sujets stratégiques qui les concernent. L’isolationnisme ou le repli américain doit être considéré est une aubaine pour les pays africains qui veulent revoir leurs alliances stratégiques avec les grandes puissances. Les dirigeants de ces pays auront plus de maitrise et d’autonomie sur leurs géopolitiques quitte à remettre en cause certaines alliances historiques.

A bientôt

Pour plus d’infos

https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2010-1-page-54.htm

https://www.jeuneafrique.com/251355/politique/barack-obama-ethiopie-points-cles-de-discours-historique-siege-de-lunion-africaine/

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/01/25/l-afrique-et-les-africains-de-joe-biden_6067562_3212.html

 

 

 

MiguelKpakpo

Epris de sujets sociétaux et politiques, j'ai été moulé dans l'univers des années 90 et 2000. Éclectique, amateur de politique et de rap, je connais aussi bien les classiques de Koba La D et que ceux de Karl Marx! “Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes.”