Guinée Conakry : être une fille, une malchance ?
Chaque année depuis 2012, le monde entier célèbre la journée internationale des filles. Une journée pour permettre aux 1,1 milliard de filles dans le monde et aux institutions politique internationales de prendre conscience de la situation des filles dans le monde. Depuis sept éditions où cette journée est célébrée, des actions ont été entreprises pour améliorer les conditions de vie difficiles des filles. Mais les faits sont là. Nombreuses sont les filles qui subissent encore des violences sexuelles, des discriminations, des mariages forcés et bien d’autres maux. C’est le cas en Guinée Conakry où la situation des filles est très critique.
Les filles d’aujourd’hui sont les femmes de demain. Investir dans le potentiel d’une fille constitue un levier d’émancipation qui permet le développement de toute sa communauté, de son pays, et « lui permet d’accéder à l’indépendance financière afin de briser le cycle intergénérationnel de la pauvreté » selon Plan International. Mais, toujours selon cette organisation, dans les pays en développement surtout en Afrique, déscolarisation, excisions, mariages forcés, grossesses précoces, esclavage, trafic, exploitation… ces violations des droits de l’enfant sont subies par des millions de filles dans le monde et constituent de nombreux freins à leur éducation et leur émancipation.
La Guinée Conakry, pays de l’Afrique de l’Ouest, où les coutumes et les mœurs demeurent encore très présentes, ne fait pas exception. La situation des un million de filles de ce pays est inquiétante. Selon les chiffres de Plan international ; en Guinée Conakry :
- 22,8% des filles sont mariées avant 15 ans et 54,6% avant 18 ans, soit plus d’une fille sur 2.
- 63% des mariages (adultes) sont des mariages forcés.
- 37,6% des filles en âge de fréquenter l’école primaire n’y sont pas scolarisées.
- 50,5% des filles n’achèvent pas le cycle complet de l’école primaire.
- 78,2 % des femmes âgées de 15 à 24 ans étaient analphabètes entre 2008 et 2012.
Une vie peu reluisante
La famille Diallo vit à Conakry au quartier Kaporo, dans la maison voisine à celle de Binta Baldé, une jeune entrepreneuse. Binta nous raconte que le papa, M. Diallo a trois femmes et plusieurs enfants. Face aux charges financières, il a très tôt marié sa fille ainée. Sa situation financière ne s’améliorant pas, papa Diallo a donné une autre de ses filles Fanta à sa jeune sœur, homonyme de la petite pour qu’elle l’aide à continuer ses études. Mais arrivée chez sa tante, Fanta va faire face à une autre réalité. Sa tante lui demande de vendre au quartier et dans les marchés. Durant ses ventes ambulantes, Fanta se fait violer à maintes reprises sans une réaction de sa tante qui continuait à l’exploiter. Quelques mois après nous narre Binta, « la sœur ainée de Fanta a eu vent de la situation de sa sœur. Elle l’a récupéré, lui a fait réintégrer l’école mais quelques mois après, Fanta tombait tout le temps malade. Pendant des années, sa sœur a fait face aux dépenses mais la santé de sa sœur s’aggravait. Elle a demandé des analyses plus poussées pour sa sœur. Les résultats ont démontré que Fanta a le VIH sida ». Binta continue et nous témoigne que « ce jour fut un jour très difficile pour Fanta, sa sœbur et ses parents. Ils étaient abattus et pleuraient beaucoup. Ils ont fini par s’adresser à un centre qui s’occupe de ces cas gratuitement. ».
L’histoire de Fanta n’est pas isolée. Dans une interview accordée à madame.lefigaro.fr, Kadiatou, jeune Guinéenne de 17ans, activiste pour les droits des petites filles, explique les causes de ces pratiques. Selon elle, « pour la famille, c’est d’abord une question de dignité pour éviter les grossesses précoces hors mariage. À cela, s’ajoute les raisons économiques. Souvent, les parents ne pensent pas mal faire ».
Face à cette situation, les actions se multiplient pour faire prendre conscience aux autorités du pays mais aussi pour attirer l’attention des institutions internationales. Kadiatou, la jeune Guinéenne est membre du « club des jeunes filles leaders de Guinée », une association à but non lucratif fondée en 2016 qui travaille avec Plan international. Dans son interview à madame.lefigaro.fr, elle revient sur les actions que mène son association. « Pendant l’année scolaire, nous intervenons dans les écoles un peu partout dans le pays au travers de nos antennes locales. À Conakry, on sillonne les écoles après les cours pour parler avec les jeunes de la sexualité, du mariage, des règles. À partir de ces conversations, on recense les questions abordées puis on crée une plateforme de discussion sur Internet. Pendant les vacances scolaires, on choisit une thématique spécifique comme la législation sur le mariage précoce ou l’excision. Ensuite, on passe dans les salons de coiffure ou les ateliers de couture pour aller au contact des filles et des jeunes femmes. On essaie surtout de toucher celles qui ne sont pas éduquées. Nous utilisons aussi beaucoup Facebook, Instagram et YouTube. » explique-t-elle.
Cependant, la situation est loin de s’améliorer selon Bintou Baldé. Pour elle, il faut « porter plus d’attention aux filles qui viennent des familles démunies. Il faut les soutenir et les éduquer ainsi que les parents ». Les efforts doivent être multipliés selon Bintou parce que les filles sont l’avenir.