Bienvenue au Nord Bénin : Le Tchoukoutou, précieux breuvage toujours autant désiré

Par le 20/04/2021 0 3198 Views

Il n’est pas recommandé de se déplacer dans le Nord du Bénin sans chercher à étancher sa soif avec l’une des plus merveilleuses saveurs du terroir : le Tchoukoutou. Beaucoup le désignent avec le diminutif « Tchouk ». La bière locale de sorgo ou du mil, qui se laisse boire traverse les âges sans la moindre ride. Pendant longtemps encore, il étanchera les soifs et procurera à ses buveurs, satisfaction, bien-être, plaisir…

Par Monsèdé

Les boissons importées ne prospèrent pas dans toutes les régions du Bénin. Certaines populations sont demeurées fidèles aux saveurs locales dont elles tirent mieux leur plaisir. Le Tchoukoutou en fait partie. Cette bière locale alcoolisée traditionnelle dont le secret de la fabrication est jalousement conservé par les femmes de génération en génération draine avec elle son lot d’admirateurs et de fans dont les rangs ne cessent de grossir.

Le Tchoukoutou est une bière spécifique à la région de l’Atacora au Nord-Ouest du Bénin, à plus de 540 Kilomètres de Cotonou.  Mais on le rencontre en général dans toute la partie septentrionale et peut-être même au-delà. La matière première la plus utilisée pour sa fabrication est le sorgho, une céréale cultivée dans la région. « La variété rouge ou brune du sorgho est principalement utilisée dans cette transformation. Mais autres sources d’amidon, tels que le mil et le maïs peuvent être utilisées en substitution partielle ou totale ».

Une boisson très prisée dans la partie septentrionale du pays Image : KM

Des goûts, des besoins et des envies

Kpakoupe Tchoromi en a fait sa spécialité. Cette jeune femme dans la commune de Boukoumbé vend le Tchoukoutou depuis plus de cinq ans. Elle a hérité le commerce de sa mère. Ce dimanche comme à ses habitudes, elle est au rendez-vous, sous le géant arbre qui lui sert de lieu de vente. Devant elle, cinq récipients la plupart en matière plastique, puis un autre récipient accueillant la dizaine de calebasses qui sert à servir le précieux breuvage. Il y en a pour tous les gouts, explique la jeune vendeuse de son joli sourire, ouvrant les récipients les uns après les autres, malgré le bourdonnement des mouches qu’elle renvoie de grands gestes de mains.

« Ici c’est la béninoise. Dans l’autre récipient vous avez le Awoyo. Voici la Doppel. Ce récipient-ci contient la coca… ». Des goûts et des envies, on ne discute pas au « Tchoukoutoudrome », nom donné à ces cabarets et autres taudis où la bière locale coule à flot. La différence se fait au niveau du dosage en alcool. Il existe donc le fort et le moins fort. « Quand on connait sa pointure, on limite les dégâts », soutient la vendeuse.

Cette boisson locale est affublée de mille vertus, variant d’une personne à une autre. Mais toujours est-il que chaque buveur détient un argument solide qui le rattache à sa calebasse de Tchouk. Quand elle ne permet pas de bien uriner, c’est qu’elle permet d’avoir un sommeil facile, ou alors de bien digérer. D’autres disent venir y noyer leur souci. Certains retrouvent au Tchoukoutoudrome, tranquillité d’esprit, bien-être… viennent exposer leurs problèmes, difficultés et soucis et en repartent satisfaits, peu ou pas satisfaits.

« Le fort c’est pour les hommes. Vous les femmes ne pouvez pas vous permettre de rivaliser avec nous en matière de Tchouk », taquine l’homme de la vendeuse, Achille Tchoromi, venu avec un groupe d’amis mener des échanges sur le processus électoral en cours dans le pays. C’est bien là, l’autre particularité de ces gargotes où coule à flot la bière locale. Elles sont les endroits prisés pour les grandes discussions entre amis, entre clans et groupes constitués. « Vider sa calebasse sans la faire accompagner d’envolées verbales et chaudes empoignades, c’est comme aller à Abidjan sans manger Atchiéké », rigole Mano Tchaa, étudiant, le plus jeune buveur du jour.

Au quotidien et partout…

Autour d’un bon Tchouk, les langues se délient très vite
Image : KM

Le Tchoukoutou est aussi utilisé pour plusieurs cérémonies et rites dans le Nord Bénin. « Autrefois, seules les femmes très âgées et dotées d’une bonne expérience, avaient l’autorisation de le préparer. Interdiction était faite aux femmes en période de menstruation de s’y approcher », indiquent certaines sources. « Au cours de certaines cérémonies, avant une quelconque invocation ou prière, c’est cette boisson qui est d’abord servie aux divinités ». Selon certaines traditions des peuples de l’Atacora, « les grandes jarres dans lesquelles le Tchoukoutou était réservé ne devraient jamais être vides, parce-que une fois la nuit tombée, les esprits des défunts viennent eux aussi prendre leur part ». A Parakou, principale ville du Nord-Bénin, un autre lieu de grande consommation, les inconditionnels de la bière locale viennent nombreux honorer le rendez-vous avec leur breuvage chaque dimanche au marché Kilombo et chaque samedi au marché Tchakatibam.

Les Tchoukoudrome, c’est parfois aussi des lieux de rencontre, de drague, d’insolites et d’histoires aux diverses fortunes. Certains comme Rachidou Lele, couturière à Yarikou, un village de Natitingou (Nord-Bénin) en garde un très beau souvenir pour y avoir rencontrer, un soir en venant étancher sa soif, l’homme avec qui elle convolera en justes noces.