Inondations en Afrique de l’ouest : Cas du Niger
L ’Afrique de l’ouest et la région du Sahel font face à des inondations sans précédentes. Du Sénégal au Soudan, c’est plus de 200 morts et un million de personnes déplacées. Le phénomène des inondations récurrentes en cette saison de pluies, a été particulièrement intensifié cette année par les pluies diluviennes qui continuent d’affecter les pays concernés.
Du Sénégal au Soudan, en passant par la Cote d’ivoire, le Niger, le Cameroun, des centaines de milliers de personnes se sont retrouvées les pieds dans l’eau cette année. Les images qui envahissent les réseaux sociaux depuis la fin du mois de juillet font état d’un phénomène d’une ampleur exceptionnelle.
Routes coupées, maisons inondées, souvent effondrées, véhicules submergés ; les populations de villes et de villages se retrouvent ainsi prisonnières des eaux, forcées parfois de quitter précipitamment leurs logements en essayant de sauver ce qu’elles peuvent. Plusieurs centaines de morts sont à déplorer et la crainte d’épidémies de choléra, de paludisme et d’autres maladies mortelles se fait de plus en plus présente.
Niger : La solidarité s’organise tant bien que mal
Chaque année le Niger fait face à la crue du fleuve Niger durant la saison des pluies qui débute fin mai et s’étend jusqu’à mi septembre. Toutefois, cette année, selon le dernier bilan officiel, les inondations au Niger ont fait 65 morts et plus de 300 000 personnes déplacées. D’importants dégâts matériels ont également été reportés, ainsi ce sont des dizaines de milliers d’habitations qui ont été emportées par la furie des eaux.
Au total 41 départements, 103 communes, 587 villages et quartiers ont été concernés par sur tout le territoire national, selon le ministre de l’Action humanitaire et de la Gestion des catastrophes du Niger, Magagi Laouan.
A Niamey, la capitale, le quartier Haro-Banda situé rive droite est particulièrement affecté. Les pirogues ont remplacé les voitures sur les axes routiers totalement submergés par le fleuve. La population locale n’a eu d’autre choix que de quitter précipitamment leurs logements pour se réfugier dans les mosquées et écoles environnantes encore à sec.
L’Etat, l’armée, les associations et ONG locales se sont rapidement mobilisés sur place dans l’attente de l’éventuelle aide internationale. Il est évident que ces derniers n’étaient pas préparés à faire face à une catastrophe d’une telle ampleur, arrivant dans le climat déjà tendu de la pandémie de la Covid-19. Les populations non sinistrées se sont donc rapidement organisées pour se joindre dans un élan de solidarité selon leurs capacités et leurs moyens : aides, récupérer les biens, dons de vêtements, de vivres,…
Mahamane Dan’sounsou Zoubair est un jeune citoyen nigérien engagé, avocat des droits de l’homme et défenseur de la femme, la fille et l’enfant. Depuis le début des inondations il n’a pas hésité à se porter volontaire et sa page Facebook est devenue une interface pour solliciter plus d’aide mais surtout montrer le travail effectué sur place par les associations et bénévoles avec lesquels il opère.
Pour autant, on ne peut parler de confort pour les sinistrés. Les mosquées et complexes scolaires ne sont pas équipés pour servir de logement. On observe dans certains sites la présence d’eaux stagnantes, des équipements sanitaires insalubres,.. L’ONG EADD – Environnement Action Développement Durable œuvre aux côtés des sinistrés du 5ème arrondissement communale de Niamey. Ses responsables craignant l’apparition d’épidémies de choléra, de paludisme entre autres, ont rapidement mené des actions de salubrité sur le site afin de palier à toute éventualité.
Les écoliers devant bientôt faire leur rentrée, les sinistrés sont actuellement dans l’attente de leur relogement imminent sur le site aménagé à ce titre par les autorités du Niger.
Le Fleuve Niger : Une accumulation de négligences
Il est important de noter que l’épisode de pluies diluviennes n’est pas l’unique responsable de la crue du fleuve cette année, une des digues du fleuve a lâché.
Le fleuve Niger prend sa source dans le Fouta-Djalon en Guinée Conakry et se jette dans l’océan atlantique au Nigéria. Avec ses 4 200 km de longueur il est le troisième plus grand fleuve d’Afrique après le Nil et le Congo. Au Niger le fleuve s’étend sur 500 km.
Depuis quelques dizaines d’années au Niger le fleuve est sujet à l’ensablement, résultat de la désertification grandissante des terres alentours. Ainsi le lit du fleuve n’est plus aussi profond qu’il l’était et pendant la saison d’étiage de mars à juin, le fleuve se tarit dans certaines zones traversables à pied ou à moto. Le manque d’entretien des berges et l’existence de différents barrages diminuent le flot d’écoulement du fleuve en basse saison, ce qui favorise les inondations lors des crues.
Lors du forum du 13 juillet 2020 au Studio Kalangou, Boukari Abdoulaye, chargé du programme de la restauration des terres et de lutte contre la désertification a fait état de ses observations : « Jadis les berges de ce fleuve étaient occupées par des forêts-galeries. Ce sont ces forêts-là qui régulaient le débit du fleuve, elles empêchaient surtout l’ensablement en filtrant les eaux de ruissellement et les eaux de pluies. Mais aujourd’hui le constat est simple, ces forêts ont disparu et ont fait place au phénomène de l’ensablement. Donc c’est la dégradation totale des berges, ce qui entraine l’ensablement du fleuve et l’ensablement aussi des moyens de production qui sont tout autour du bassin »
Enfin comme observée dans de nombreuses villes d’Afrique, la ville de Niamey manque d’aménagement de réseaux hydrauliques pour l’écoulement des eaux de pluies. La construction d’habitations bien souvent anarchique dans la zone de crue du fleuve contribue fortement à l’inondation des quartiers concernés.
En l’état des choses le gouvernement du Niger a tout intérêt à intensifier sa lutte contre la désertification du Niger et à repenser l’aménagement urbain de sa capitale Niamey.