Chronique : LUTTE ANTIRACISME, LA MORT DE GEORGE FLOYD, UN TOURNANT

By on 07/07/2020 0 951 Views

Lundi 25 mai, George Floyd est mort sous les genoux de Derek Chauvin, un policier blanc, lors de son arrestation par la police de Minneapolis. Alors qu’il suppliait ce policier « S’il vous plaît, je ne peux plus respirer. Mon ventre me fait mal, j’ai mal au cou. J’ai mal partout », il est resté appuyé sur lui durant 8 minutes et 46 secondes, l’asphyxiant jusqu’à la mort. Ce crime qui a entraîné un mouvement inédit de protestation à travers le monde marque un tournant dans le débat sur le racisme. Mais, la fin de cette idéologie est une marche de longue haleine.

La mort de George Floyd a ravivé le débat sur le racisme à travers le monde et plus particulièrement aux Etats-Unis. Au lendemain de cet acte ignoble et avec les mouvements de protestation qui ont suivi, des dirigeants ont ouvertement plaidé pour la suppression des forces de police dans leurs districts. Le 7 juin par exemple, les conseillers municipaux de Minneapolis ont annoncé que la police de cette va être « démantelée ». Le 15 juin, c’est Keisha Lance Bottoms, la mairesse d’Atlanta qui a annoncé des « réformes immédiates » à la suite d’un nouveau drame survenu le vendredi 12 juin et ayant coûté la vie à un afro-américain. Cette vague de réactions appelant à une réforme de la police a atteint la chambre des Représentants américains où les démocrates ont déposé une proposition de loi. Mais pas que ! Le débat touche même les représentations des pères fondateurs des pays occidentaux, les Etats-Unis en premier.

Le 22 juin, près de la Maison Blanche à Washington, des manifestants ont tenté de démolir la statue du 7e président américain Andrew Jackson en raison de son passé esclavagiste. Président des Etats-Unis de 1829 à 1837, il a massivement fait déporter les tribus indiennes. Thomas Jefferson, le troisième président américain, l’un des auteurs de la Déclaration d’Indépendance en 1776 accusé d’avoir possédé plus de 600 esclaves et d’avoir considéré les noirs comme inférieurs aux blancs n’est pas épargné. George Washington, le père de la nation et premier président américain qui possédait une centaine d’esclaves dans sa plantation du Mont Vernon, au sud de la capitale fédérale est également attaqué. Dans la ville de New York, le Muséum d’histoire naturelle a enlevé la statue du 26ème président américain Theodore Roosevelt, située à son entrée. Pour justifier cette décision, les responsables du Muséum ont expliqué que la statue glorifiait le colonialisme et le racisme parce qu’elle représentait Roosevelt à cheval avec un homme noir et un Amérindien marchant à ses côtés. Ce qui est une façon de « représenter explicitement les noirs et les autochtones comme soumis et racialement inférieurs », explique le Muséum dans un communiqué.

A l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance du Congo, ancienne colonie belge, le Roi Philippe de Belgique a adressé au président congolais Félix Tshisekedi ses « plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore présentes dans nos sociétés ». En Allemagne, un débat est ouvert en vue de la suppression du mot « race » dans la Constitution allemande. Ce sont-là des actes et décisions inimaginables, il y a encore deux mois.

 George Floyd en mourant sous le genou d’un policier servira-t-il de rédempteur pour la fin du racisme ?

Ce crime a marqué un tournant dans la lutte contre le racisme parce qu’il symbolise la cruauté même qui caractérise cette idéologie. Les différentes décisions suscitées sont le signe que quelque chose va changer et plus rien ne sera comme avant. Mais, il y a peu de chance que les choses changent radicalement ou profondément. Du moins, pas tout de suite !

En effet, le racisme est un système bien ancré. Des générations et des générations sont nourries à cette idéologie. Des enfants sont élevés, sensibilisés à cette mentalité et grandiront avec, en la transmettant à leur tour à leur progéniture. D’un côté, les noirs ont fini par intégrer qu’ils sont différents des blancs et que des situations qu’ils vivent leur arrivent parce qu’ils sont noirs. De l’autre, les blancs sont persuadés de leur supériorité par rapport aux noirs et certains n’imaginent pas un noir à certaines positions. Par exemple, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux montrant une blanche ayant alerté la police parce qu’elle a vu un noir debout devant une maison, le prenant comme un suspect rodant autour d’une propriété d’autrui alors que ce dernier était bien devant sa maison

Une illustration est donnée dans le film « La haine qu’on donne » du réalisateur George Tillman Jr où on voit un afro-américain apprendre à ses enfants comment se comporter face à un policier. Et justement, c’est en écoutant son amie, qu’un jeune noir s’est fait abattre par un policier blanc. Star, l’héroïne du film rappelait à son ami de garder ses mains sur le tableau de la voiture afin de ne pas inquiéter le policier qui pourrait le soupçonner de vouloir sortir une arme. Quelques jours après la mort de George Floyd, les réseaux sociaux ont montré l’image d’une fillette qui s’est mise à pleurer, en levant les bras à la vue de la police. Elle avait peur que la policière tire sur elle. Moment de peur qui, malheureusement donne des réactions face auxquelles un policier n’hésite pas dans bien des cas à dégainer.

La fin du racisme ne se décrètera pas. Ce sera un long processus qui demande une révision profonde des paradigmes de l’éducation de nos enfants et ce changement dans l’éducation commence à la maison, à l’école. L’éducation des enfants doit veiller à ne pas transmettre à ces derniers des notions qui développent chez eux un complexe d’infériorité ou de supériorité.

Pendant ce temps, que font les pays colonisés eux-mêmes dans ce cadre ? Les constitutions africaines, les textes fondateurs des organisations non ou associations non gouvernementales reprennent machinalement dans leurs articles « sans distinction de race ». Des villes, des rues, des palais présidentiels en Afrique qui portent des noms hérités de la colonisation continuent de faire la fierté des dirigeants africains encore sourds au débat de plus en plus agité au sein de la population sur la colonisation et ses vestiges. Comme en ont pris conscience les dirigeants occidentaux, le racisme tire ses racines de la colonisation. Mais, peut-on effacer la colonisation ?