Violences faites aux femmes : il faut anticiper, sensibiliser, faire des réformes d’éducation par rapport à l’égalité des genres.

Par le 25/11/2018 0 883 Views

Ce 25 novembre, la communauté internationale se penche sur les violences à l’égard des femmes comme institué depuis le 17 décembre 1999 par l’ONU. C’est donc la Journée Internationale pour l’Elimination de la violence à l’égard des Femmes. Le sujet reste tabou en Afrique alors que c’est l’une des violences des droit de l’homme les plus répandues, les plus persistantes, les plus dévastatrices dans le monde selon les Nations Unies. Nous avons discuté avec l’activiste-militante Camerounaise Minou Chrys-Tayl, qui fait de cette cause, son cheval de bataille.

KayaMaga : le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. A votre avis, quel impact peut avoir une telle journée sur le changement des comportements ?

Minou Chrys-Tayl : L’impact que cette journée peut avoir sur le changement de comportement est d’abord de permettre aux jeunes femmes qui sont victimes de pourvoir témoigner. La plupart du temps, les femmes cherchent des personnes sures vers lesquelles elles vont se tourner pour pouvoir parler de leur vécu. Après, cette journée permet aussi aux survivantes de pourvoir discuter facilement et aussi de partager leurs histoires. Le thème de cette année, c’est « Ecouter moi aussi » c’est-à-dire que cette fois ci, on donne un peu plus de visibilité aux activistes et cela permet, surtout, sur les réseaux sociaux, aux jeunes femmes de pouvoir s’informer parce qu’il y a un réel problème au niveau de la sensibilisation, de l’information sur la plupart des différents sujets.

L’activiste Minou Chrys-Tayl
Source: Internet

Il y a aussi le changement de comportements. Le changement de comportement, c’est aussi bien entendu sur la gent masculine, la manière et la perception des choses, comment cela est fait, comment c’est vu, il y a des choses à refaire. Mais surtout, de mieux faire connaitre les violences faites aux femmes. La plupart du temps quand on parle de violences faites aux femmes, on a tendance à s’arrêter aux coups. Et maintenant, un peu plus au viol. On ne va pas prendre en compte la violence de la belle famille, le veuvage, le lévirat ; ce sont des choses qui ne sont pas normales. Et c’est important parce qu’on va beaucoup plus en parler. Parce que l’un des plus grands problèmes qu’il y a dans le monde, c’est que le monde n’a pas les mêmes problèmes qu’en Afrique. Il faudrait maintenant faire situer les problèmes c’est-à-dire les faire sortir, et surtout les rendre plus visibles, de pouvoir discuter dessus. Ça permet de mieux avoir des informations sur le sujet.

Quelle est la situation de la violence à l’égard des femmes au Cameroun ?

La situation de la violence à l’égard des femmes au Cameroun est catastrophique dans ce sens que ce n’est pas seulement au Cameroun mais en Afrique francophone parce que j’ai vécu au Bénin, en Côte-d‘Ivoire, j’ai fait des tours au Ghana, au Togo, dans les deux Congo. En Afrique Francophone, dans la plupart du temps et aussi par rapport à tous les témoignages que j’ai, on a un gros souci en matière de lois, et aussi du fait que la violence à l’égard de la femme est intégrée. C’est-à-dire qu’une femme n’a pas le droit de se plaindre si par exemple son mari a envie de faire l’amour et elle ne veut pas, alors que c’est un viol, on n’a pas encore fait des réformes sur le statut de la femme. On ne lui a pas encore donné sa dignité humaine. On la prend encore comme une chose du fait qu’on l’achète par rapport à une dot. On n’a pas la dimension de toute la préciosité c’est-à-dire qu’on aime dire que la femme c’est la mère de l’humanité mais quand il faut aller dans la réalité des faits, la femme, c’est plutôt le déchet de l’humanité, le déchet de l’Afrique. Et ce n’est pas juste la femme, c’est aussi la jeune fille parce qu’il y a au Cameroun près de 432 000 femmes citées officiellement comme victimes de viols et de jeunes filles. Il y a aussi beaucoup de maltraitance un peu comme les vidomègons (enfants placés) au Bénin et le problème est que tout le monde tourne la tête alors que c’est très dangereux.

Campagne de Minou contre les violences faites aux femmes
source: Instagram Minou

Et que préconisez-vous pour son éradication ?

Pour son éradication, la première des choses, c’est la sensibilisation. Il faut une grande cause nationale. Synchroniser les actions des présidents de la sous-région exactement comme la lutte contre le sida, le paludisme se fait. Il faut donner les moyens parce que la jeune fille, c’est la ressource humaine et si on n’a pas une bonne ressource humaine, on ne peut pas avoir une société qui avance. Si on n’a pas une ressource humaine consciente que plus tard, nous assurons la pérennité de l’espèce, on ne mettra pas au monde des personnes fortes et on ne sera jamais compétitif par rapport à tous les dangers qui viennent. Et pratiquement sur tous les autres plans de la société, on a besoin des femmes fortes, des femmes bien dans leur corps et dans leurs peaux et surtout des femmes qui ont envie d’aller beaucoup plus loin que d’être mères, des épouses mais aussi des actrices de développement.

Il faut impérativement un ministère de lutte contre les violences faites aux femmes, c’est beaucoup plus important. Et surtout en termes de nouvelles filières, il faut penser à une filière en victimologie et surtout en traumatisme. Parce que les violences vous rendent malades c’est-à-dire il y a les traumatismes. Une personne qui vous violente vous détruit mentalement et en plus il n’y a pas de médicaments ni de médecins pour traiter. C’est pour ça qu’on retrouve des femmes qui sont dépressives. Il faut aussi des réformes au niveau de la justice et incriminer les auteurs c’est-à-dire des peines extrêmement lourdes.

Cette journée a été instituée après l’assassinat de trois Dominicaines. Il a donc fallu un drame avant que le monde ne se rende compte de cette situation parfois dramatique ?

Bien sûr. Malheureusement c’est comme ça que l’on fonctionne avec les drames. Et là en

core ce n’est rien. Il faut encore plus qu’il y ait de grands problèmes, de grandes difficultés pour que les gens ouvrent les yeux. Malheureusement, on n’est pas dans l’anticipation, on est dans « traiter la maladie au lieu de la prévenir ».  En Afrique et dans plusieurs secteurs, on préfère traiter les maladies et ça coûte plus cher. Si on prend par exemple la prévention d’une carie, il suffirait de se brosser souvent, prendre soin de son hygiène bucco-dentaire, ce qui ne coute pas cher. Alors qu’une carrie est plus chère quand on pense à l’extraction de la dent et les soins après.

Il faut donc qu’on apprenne à anticiper, c’est sensibiliser, faire des réformes d’éducation par rapport à l’égalité des genres et surtout arrêter d’éduquer les petits garçons comme s’ils sont venus au monde pour être servir par des femmes alors que ce sont deux êtres humains qui doivent évoluer pour vivre et laisser un héritage pour les générations futures.

Non aux violences faites aux femmes
source: instagram Minou

L’une des problématiques de cette journée est d’inciter les victimes à dénoncer leurs bourreaux. Un Fait pas évident. Votre campagne SayNoDouala en parle cependant. De quoi s’agit-il ?

C’est une campagne du 08 mars. L’idée c’est d’inciter les artistes, les entrepreneurs connus, des influenceurs du Cameroun mais aussi de la Côte-D’Ivoire, du Bénin, à dénoncer, à prouver que nous sommes tous concernés et qu’il ne faut pas baisser les bras. On ne veut aussi par inciter et après rien ne se fera. Dénoncer c’est aussi par rapport aux mentalités. Mettre un plan de sécurité pour les victimes. Le jour où les victimes seront persuadées qu’elles seront protégées, elles auront plus de faciliter à en parler et à dénoncer.

Qu’avez-vous à dire aux femmes victimes de violence pour les décider à parler ?

La phrase qui m’est venu le 25 novembre 2016, c’est qu’il faut décider de vivre pour soi. Ce que j’ai décidé de faire. Personne ne peut et ne va vivre votre vie mieux que vous. Ne laissez personne vous détruire parce que vous êtes la plus belle création du monde, la plus belle chose qui soit et honnêtement, aucun homme ne mérite vos larmes, que l’on se sacrifie, que l’on se détruise pour lui. Vivez pour vous, soyez égoïstes, vous êtes des reines. Le monde est à vous !

Perpétue Houéfa AHOMAGNON

Diplômée en journalisme audiovisuel, j'ai découvert après mon cursus universitaire, l'univers des blogs, de la rédaction web. Depuis, je me suis presque auto-formée dans le domaine. Des formations par ci par là, des cours en ligne, tout ce qu'il faut pour me perfectionner et utiliser ces nouveaux médias pour atteindre mes objectifs. Je suis en fait une passionnée des nouveaux médias, des femmes, des jeunes, de la vie au niveau local. Je suis intéressée par les sujets sur l'Afrique, sur la situation des femmes et des enfants sur le continent mais aussi par le développement local. Et c'est ce que je traite à travers mes articles sur ce blog. " La confiance en soi est le premier secret du succès" Ralph Waldo