Maroc/Loi sur les violences faites aux femmes : une avancée insuffisante

By on 24/09/2018 0 888 Views

Accusé d’harcèlement par une jeune femme, un homme d’une soixantaine d’année a été mis en détention provisoire au Maroc. Placé à la prison locale de Bourkayez, il passera devant le juge début octobre. Une première au Maroc après l’entrée en vigueur officielle de la loi sur les violences faites aux femmes.

Février 2018 : le parlement marocain a adopté la loi sur les violences faites aux femmes. Six mois après son adoption, elle est entrée officiellement en vigueur le mercredi 12 septembre 2018. Un fait qui constitue un grand pas pour l’amélioration de la situation de la femme marocaine. Le royaume a enregistré ces dernières années des cas de violences sur des femmes qui ont suscités l’indignation nationale et internationale. Le dernier en date est le viol collectif d’une jeune mineure nommée Khadija.

Vu sur Internet Corps de Khadija

Fin août, l’histoire de la jeune fille a ému et choqué tout le Maroc. En effet, Khadija, une adolescente marocaine de 17 ans, affirme avoir été enlevée, il y a trois mois devant chez sa tante à Fqih ben Saleh dans le centre du pays, par des garçons connus pour appartenir à une «bande dangereuse».  Elle raconte aux médias marocains en montrant des tatouages graveleux et des traces de brûlures de cigarettes sur son corps : « ils m’ont séquestrée pendant près de deux mois, violée et torturée, je ne leur pardonnerai jamais, ils m’ont détruite». Une situation qui a ravivé la colère des marocains. Très tôt, des actions pour soutenir la jeune fille ont été initiées notamment avec des hashtags « #Khadija, #JusticepourKhadija, #NoussommestousKhadija », qui sont devenus viraux sur les réseaux sociaux.

Déjà en 2012, le Maroc avait enregistré la mort tragique d’Amina al-Fidali, une jeune fille de 16 ans qui pour échapper à jamais à une union contre nature avec son violeur, contractée pour sauver « l’honneur de la famille », a mis fin à ses jours, en avalant des comprimés pour rats.

Le poids de la tradition

6% : c’est ce que représentent les viols sur l’ensemble des cas de violences faites aux femmes au Maroc. En 2015, le premier rapport annuel relatif à la violence faite aux femmes, élaboré par l’Observatoire national de violence à l’égard des femmes (ONVEF), a révélé que les taux de la violence physique demeurent les plus élevés par rapport aux autres formes de violence et que les femmes âgées entre 18 et 45 ans sont les plus vulnérables à la violence sous toutes ses formes.

Vu sur Internet Manifestation contre les viols

« La situation de la femme au Maroc a connu un progrès. Ces dernières décennies, le Maroc a redoublé ses efforts pour valoriser le statut de la femme marocaine en mettant en place des différentes réformes relatives aux droits de la femme » explique Bounasser Safa, étudiante à l’école nationale de commerce et de gestion de Marrakech en parlant de la situation de la femme au Maroc. Une explication que partage de son côté, Achraf Fouad, étudiant en droit public et science. Il soutient que « la situation de la femme au Maroc est une situation assez complexe vu la pluralité des mentalités et des conceptions de la femme marocaine. La femme se trouve dans une situation où elle doit équilibrer entre la conception moderniste et la conception conservatrice ». Soufian El Foukahi, Ingénieur logiciel, dira que la situation de la femme au Maroc n’est pas catastrophique mais elle n’est pas bonne. Elle doit être améliorée. « Il n’y a pas égalité entre hommes et femmes malgré les avancées qui ont été faites » affirme le jeune étudiant. Des avancées qui s’expliquent par l’adoption et la mise en vigueur de la loi 103-13 relative à la violence faite aux femmes. Ce pas fait constitue pour nombre de marocains un ouf de soulagement.

Cette loi constitue un grand pas pour les femmes selon Bounasser Safa. «  Je ne peux qu’être fière de mon royaume qui ne cesse de défendre les droits des femmes et être optimiste du progrès qu’il enregistre à travers le temps » s’enthousiaste-t-elle. Un enthousiasme qui reste cependant de courte durée. Pour cause, selon l’étudiante, cette loi ne constitue qu’un petit pas dans la bonne direction. « On ne peut pas nier qu’elle défend les droits des femmes mais elle ne mentionne pas toutes les formes de violence telles que le vol entre époux et le viol conjugal.  Ce dernier est qualifié de « tabou » dans notre société marocaine, il est rarement discuté alors qu’il y a chaque jour des milliers de viol commis au sein de couples » argumente-t-elle. Le Maroc reste en effet un royaume où la tradition reste très pesante. « Les traditions marocaines limitent le rôle de la femme à la sphère domestique. Comme on dit en dialecte marocain ‘’Blasst lmra Flcouzina ‘’pour dire que la place de la femme se trouve à la cuisine » nous dit Safa. Plusieurs femmes étaient privées de leurs droits à l’éducation et au travail à cause du poids de la tradition.

Vu sur Internet
Manifestation pour l’égalité

Encore des attentes

Dans un entretien à l’agence MAP, cité par Jeune Afrique,  la ministre de la Famille, de la femme et de la solidarité, Bassima Hakkaoui, s’est félicitée de l’adoption et de la mise en vigueur de cette loi. « Il s’agit d’un des plus importants textes renforçant l’arsenal juridique national dans le domaine de l’égalité des sexes » s’est-elle réjouie. Cependant, la loi recèle encore des insuffisances qu’il faudra corriger selon certaines voix au Maroc.

La jeune étudiante Safa notifie que « la protection juridique de la femme ne peut être efficace et optimale sauf si elle est accompagnée de compagnes de sensibilisation et de l’éducation des enfants dès le plus jeune âge sur le respect d’autrui. De surcroît, il faut apprendre aux jeunes filles et aux femmes comment se défendre au cas d’agression ». Une idée soutenue par Soufian, Ingénieur logiciel qui propose qu’il faut créer des lois et les appliquer à la lettre. « Il ne faut pas faire de séparation en parlant de loi hommes et femmes. Il faut parler d’humains. Il faut supprimer les programmes d’éducation qui ne valorisent pas la femme » conseille t’il.

Perpétue Houéfa AHOMAGNON

Diplômée en journalisme audiovisuel, j'ai découvert après mon cursus universitaire, l'univers des blogs, de la rédaction web. Depuis, je me suis presque auto-formée dans le domaine. Des formations par ci par là, des cours en ligne, tout ce qu'il faut pour me perfectionner et utiliser ces nouveaux médias pour atteindre mes objectifs. Je suis en fait une passionnée des nouveaux médias, des femmes, des jeunes, de la vie au niveau local. Je suis intéressée par les sujets sur l'Afrique, sur la situation des femmes et des enfants sur le continent mais aussi par le développement local. Et c'est ce que je traite à travers mes articles sur ce blog. " La confiance en soi est le premier secret du succès" Ralph Waldo