Immigration en Afrique-Europe : l’Afrique le nouvel eldorado (1ère partie)
Ces dernières décennies, le continent africain a vécu au rythme des vagues migratoires avec des départs massifs de sa population jeunes en particulier vers l’Europe considérée comme un eldorado. Affluant par centaines, ces jeunes prennent la mer sur des embarcations de fortune au péril de leur vie. Les morts occasionnées par cette traversée périlleuse a fini par pousser les Etats touchés par le phénomène à prendre des mesures pour l’endiguer. Les pays d’accueil ont durci les conditions d’entrée en vue de décourager les candidats à l’émigration. Le moins que l’on puisse dire, ces trois dernières années, le flux migratoire a considérablement baissé laissant croire à une prise de conscience du danger encouru sur la voie de l’immigration.
« L’un des pires drames de l’histoire de l’immigration clandestine », ainsi francetvinfo.fr titrait un article mis à jour le 7 mai 2014. Un an plus tôt, le 3 octobre 2013, une embarcation surchargée en partance des côtes libyennes transportant environ 500 migrants clandestins africains fit naufrage près de Lampedusa, île italienne proche de la Sicile. Cette catastrophe qui a fait 366 morts, était considérée comme la deuxième plus grande tragédie en Méditerranée depuis le début du 21e siècle. Pourtant, la série noire des disparitions de migrants en mer ne se limite pas à cet épisode. Une semaine après le drame de Lampedusa, où les autorités recherchaient encore des corps, un bateau a coulé entre la Sicile et la Tunisie faisant au moins 34 morts dont une dizaine d’enfants.
Les chiffres d’un drame
Dans la revue Multitudes N°55, datée de 2014 et rapportée par cairn.info/revue-multitudes, Claire Rodier passait en revue les différents drames ayant coûté la vie aux migrants. « En 2009, 200 personnes se sont noyées au large de la Sicile. En 2010, deux naufrages simultanés ont provoqué, non loin de Lampedusa, la mort de près de 400 autres. En 2011, d’après le Haut-commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), 1 500 migrants et réfugiés fuyant le conflit libyen ont trouvé la mort en tentant de rejoindre les rives de l’île de Malte ou de l’Italie. En septembre 2012, un bateau transportant des migrants tunisiens a disparu près de l’îlot de Lampione, coûtant probablement la vie à plus de 70 d’entre eux. » La liste est longue !
En 2013, selon les chiffres rapportés par RFI, 25 000 réfugiés sont morts en Méditerranée au cours des 20 dernières années. Pour la seule année 2015, 3 771 personnes, dont des centaines de femmes et d’enfants, ont péri en Méditerranée, a déploré le HCR rapporté par Jeune Afrique. Mais, qu’est-ce qui peut pousser la jeunesse du continent à prendre la route de la mer malgré l’actualité dramatique rapportée chaque jour au sujet des migrants ? Car, en dehors des morts, certains migrants sont dépouillés de leurs biens et kidnappés par des trafiquants qui les vendent comme des esclaves. En témoigne un reportage de CNN en 2017 qui a fini de révéler cette pratique que des ONG dénonçaient depuis longtemps. Et pour ceux qui parviennent à franchir les portes de l’Europe, le calvaire ne finit pas aussitôt. A cause des conditions d’accueil de plus en plus contraignantes, beaucoup séjournent des mois dans des centres de rétention pendant que d’autres vivent dans la clandestinité par peur d’un rapatriement forcé pour séjour illégal.
Les racines du mal
Pour expliquer les raisons de ces départs massifs vers l’Europe, Antonio GUTERES, actuel Secrétaire Général de l’ONU, alors Haut-commissaire pour les réfugiés (HCR), affirmait que ces migrants s’embarquent dans ce péril « pour échapper aux conflits, aux persécutions et à la pauvreté dans la quête d’une vie meilleure. » Selon le site francetvinfo.fr, « la déstabilisation du grand Maghreb à la suite des printemps arabes a multiplié le nombre de migrants. De 2002 à 2010, c’étaient en moyenne 20.000 immigrés qui débarquaient chaque année sur les côtes italiennes. En 2014, ils furent 169.000. Beaucoup d’entre eux proviennent de pays en guerre : Afghanistan, Syrie, Irak, Libye ou Mali. Mais outre la guerre, de nombreux clandestins en provenance d’Egypte, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de Guinée Bissau ou de la corne de l’Afrique fuient la misère. »
Eniguer le phénomène
Ces drames répétés et les difficultés auxquelles font face les pays d’accueil n’ont pas laissé les dirigeants européens insensibles. Les États membres de l’Union européenne ont par exemple mis en place une politique commune en matière d’immigration et d’asile fondée sur la sécurisation des frontières extérieures pour lutter contre l’immigration irrégulière. Et les mesures parfois draconiennes prises par les pays européens ont de quoi faire réfléchir les candidats à l’embarquement sur la route de l’aventure européenne. Du coup, il s’observe ces dernières années une baisse du nombre de candidats au départ.
Si l’on en croit un rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) publié le mercredi 18 septembre 2019 et cité par RFI, le nombre de demandes d’asile ne cesse de chuter dans les pays membres de l’organisation et seulement 300 000 africains ont gagné un de ces pays. La majorité des demandeurs d’asile étant originaires de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie et du Venezuela. Même parmi les migrants – raisons humanitaires, économiques et autres confondues -, aucune nation africaine ne figure parmi les premiers pays d’origine : les cinq premières places sont occupées par la Chine, la Roumanie, l’Inde, la Pologne et le Vietnam. De manière générale et selon les Perspectives des migrations internationales 2019, ces demandes ont reculé de 35% en 2018 par rapport au record de 1,65 million en 2015 et 2016.
Cette baisse du nombre de migrants n’a pas échappé à l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) qui estime qu’elle est liée à la multiplication des patrouilles en mer qui auraient un effet dissuasif et à la lutte menée contre les réseaux de passeurs. Mais, il n’y a pas que cette raison ! Tout porte à croire que de plus en plus, il y a une prise de conscience du danger lié à l’immigration clandestine.
La prise de conscience
Bien que l’envie de tenter l’aventure reste forte chez beaucoup de jeunes, la perspective de ne pas pouvoir atteindre l’Europe après avoir englouti toute la fortune de sa vie dissuade aussi. C’est le cas Mbaye Mor Dioum suivi par les membres de l’association Académie Banlieue Culture, qui organisent des conférences et des ateliers pour les jeunes sur le point de partir. Pour son président, Amath Sarr, il vaut mieux « investir dans son pays » plutôt que de « dépenser des millions [de francs CFA, plusieurs milliers d’euros, NDLR] pour tenter une route qui de toute manière a peu de chances d’aboutir ».
A en croire le président de cette association sénégalaise, « Il y a des témoignages de ceux qui reviennent de France, et leurs galères sont loin des projections que peuvent avoir certains. L’Europe est devenue plus dure. ». Mais, d’autres jeunes commencent réellement par prendre conscience du fait qu’ils peuvent se réaliser dans leurs pays plutôt que de se lancer dans une aventure incertaine. Pour Ibrahima Ba, un ami de Mbaye Mor Dioum, diplômé d’un Master 2, cité par RFI, « Nous avons tant de potentiels et de ressources à exploiter ici… Je ne trouve pas l’intérêt de partir. Si on est conscients de tout ça on peut s’enrichir au Sénégal. Je suis dans l’optique d’investir et de m’investir ici ».
C’est dire que pour détourner l’attention des jeunes de la route de l’immigration, les dirigeants africains ont une grande part de responsabilité. Il leur appartient de créer des conditions qui rassurent ces derniers et leur facilitent la concrétisation de leurs projets personnels et professionnels. C’est le seul moyen pour l’Afrique de disposer de sa population active, gage de son avenir et de son développement.