Bénin/Culture : La dot, un acte important qui se modernise !

By on 16/07/2018 0 13388 Views

Considérée comme le mariage coutumier par excellence, la dot est un acte très important dans les familles africaines en général et béninoises en particulier. Pour la plupart, c’est le moyen pour les familles des mariés de se rencontrer, de discuter et de se jauger. Mais la dot auparavant symbolique, tend à subir des modifications et n’échappe pas à la modernisation.

Au Bénin, l’on s’accorde à reconnaître que la dot confère du prestige aux familles et honore la future épouse. Dans un article paru sur le site « education.org », Estelle Djigri définit la dot comme « un symbole fort du mariage coutumier, une pratique ancestrale, jadis, incontournable dans l’union des couples. Elle relève d’une importance capitale et très symbolique. » De ce fait, il est gardé secret par les familles qui ne veulent pas faire les frais du mauvais œil. Ceci explique l’interdiction formelle faite aux femmes enceintes de contracter ce mariage afin de ne pas porter atteinte au futur bébé.

Les parents du prétendant

L’instant d’une cérémonie de dot au Bénin …

Samedi 23 juin 2018 dans la maison Agbofoun au quartier Djèdjèlayé à Akpakpa: journée normale dirait-on pour qui n’est pas au courant de la bonne nouvelle. En effet, cette journée a commencé comme toutes les autres avant elle : petite pluie typique de cette saison, les appels incessants des clients venant s’approvisionner dans la boutique de « Maman Sènan », la mère de famille… Mais cette maison d’habitude silencieuse grouille de monde. La raison de cette effervescence n’est autre que l’événement qui se prépare. En effet, il se murmure que la cadette de la famille, Hermionne reçoit sa dot. Mais tout le monde n’a pas cette information.

La famille d’Hermionne garde donc le secret jusqu’à l’arrivée du cortège nuptial. La maison est balayée, rangée. A la cuisine, des dames s’affairent pour cuisiner des mets dont les saveurs embaument déjà l’air alentour. Les plus beaux ustensiles sont sortis, lavés et bien disposés, des chaises louées sont alignées, attendant l’arrivée des invités. L’effervescence est à son paroxysme.

L’acte de prestige symbolique

17h : dans la maison, tout est fin prêt. L’heureuse du jour est introuvable depuis quelques heures. Et pour cause ! Elle se prépare à accueillir la famille de son futur époux. Tout se jouera dans quelques instants. Sa famille peut accepter la dot comme elle peut la  refuser. Tant que la cérémonie n’est pas finie, le stress est au rendez-vous !

Avec des chants et danses

17h 30 : on entend à quelques mètres de la maison, des chants accompagnés de battements de mains et d’autres instruments. Il s’agit d’un cortège de femmes et d’hommes portants des plateaux couverts de linge blanc. Tout le voisinage sort pour les voir passer, fasciné et impatient de savoir dans quelle maison ils se rendent.

Le cortège se dirige vers la maison Agbofoun avec des chants valorisants la famille de la mariée. Il est accueilli avec un seau d’eau versé par une sœur de l’heureuse du jour devant le portail. Une façon de leur souhaiter la bienvenue dans la paix. Après des minutes de chants et de danses, la cérémonie elle –même débute.

Selon l’article 142 du code de la famille et des personnes au Bénin, «La dot a un caractère symbolique ». Une affirmation approuvée par Mireille T. Docteur en Aménagement et Gestion des ressources naturelles à l’université d’Abomey-Calavi.  Pour elle, la dot est aussi un mariage et doit avoir lieu. Calmine Agbofoun, Journaliste, abondera dans le même sens pour dire qu’il s’agit d’un mariage coutumier. « Je pense que tout le monde, les hommes y compris savent que c’est l’ordre normal des choses pour prendre femme. Je ne crois pas qu’il faille encore l’exiger d’eux ou leur faire des misères pour qu’ils s’en acquittent. » explique-t-elle.

Sur le plan religieux, avant l’annonce des bancs et la célébration du mariage, les églises Catholiques et Protestants demandent aux jeunes mariés si la dot a été déjà organisée. Une façon selon l’un des célébrants à l’église Sainte Famille de Tankpè de savoir si les deux familles sont d’accord. Contrairement à ces différents propos, Osseni Azizatou, Infimière au CNHU, estime que la dot représente l’achat de la fille si l’on considère les exigences de certaines familles aujourd’hui. « De plus grosses dépenses sont faites de nos jours pour faire la dot. Elle n’a plus son caractère symbolique » se justifie-t-elle. Calmine et Mireille T. diront aussi qu’elles sont contre la dot à grand bruit et à grand frais.

Les cadeaux pour l’heureuse du jour

Mireille explique que sa dot a été faite il y a une dizaine d’années et ce, après son premier accouchement parce qu’il ne fallait surtout pas le faire pendant la grossesse. Elle était constituée d’une valise, de pagnes de différentes marques, de colliers, des sacs et autres produits pour la femme, des ustensiles de cuisine, des liqueurs et des enveloppes financières pour la mariée, les parents, les oncles et tantes ainsi que d’autres membres de la famille. Il y avait des bougies et des allumettes pour signifier la chrétienté de la famille de la mariée et du sel, tout ceci de façon modeste.

Dame Cica B., Professeur d’anglais dans un collège publique d’Akpakpa, nous raconte que sa dot était très symbolique mais que tout y était. « J’ai même participé financièrement histoire d’aider mon mari puisque nous avons fait le mariage civil suivi du religieux et tout ceci dans l’intervalle d’une semaine. ». Pour elle, « dépenser des millions pour la dot et être incapable de faire le mariage civil et religieux qui vous confèrent quand même une plus grande sécurité sur tous les plans est à déplorer. »

Dans cette soirée dans la famille Agbofoun donc, les valises et autres emballages apportés par le prétendant d’Hermionne ont été déjà déballés. Tout le nécessaire y était. La famille du marié s’est même surpassée. Elle a offert plus qu’on n’exigeait d’elle. Elle l’explique par la reconnaissance à la famille de la mariée qui a su donner une bonne éducation à sa fille. On retrouve des liqueurs, de la cola, des pagnes de qualités, des enveloppes financières, des boissons, des ustensiles de cuisine, tout pour la beauté de la femme, et bien sûr, le sel, élément incontournable dans la dot. « La femme est le sel du foyer, elle apporte du goût à la vie de l’homme » nous dit Mireille T. pour expliquer la présence du sel dans la liste de dot.

Le OUI de la dotée, une phase capitale

19h : la famille du marié, demande à voir leur « épouse ». Une première jeune fille sort, mais elle est refusée. Ce n’est pas la bonne. En effet, selon la tradition, avant que la famille n’envoie l’heureuse du jour, elle fait sortir deux jeunes filles ayant la même corpulence que la mariée. La famille du prétendant doit pouvoir distinguer s’il s’agit de la femme convoitée ou non sous peine de représailles si elle commettait l’erreur de choisir la mauvaise jeune fille. Pour que la vraie mariée sorte, la famille du prétendant doit offrir de l’argent à chaque sortie des fausses mariées pour ‘’payer le voyage en avion’’ de celle-ci.

La sortie de la mariée

19h30 : Hermionne, richement habillée, bien parée sort, la tête revêtue d’un voile. La famille de son fiancée l’ayant reconnue pousse des exclamations de joie suivies de chants, des éloges de son patronyme, des panégyriques de ses ancêtres. Elle fait le tour pour saluer les invités et membres de la famille. Des billets de banque pleuvent sur son passage. Les visages rayonnent, celui d’Hermionne illumine l’assistance. Son voile enlevé, on sent le stress de la famille du prétendant. En effet c’est l’heure décisive. Le chef de la famille Agbofoun demandera dans quelques instants à Hermionne si elle reconnait les personnes qui sont venues avec des cadeaux pour demander sa main. Sa réponse peut faire arrêter toutes ces manifestations comme elle peut rendre la fête plus belle.

19h50 : La question est posée à Hermionne. A genoux au milieu de l’assistance, elle salue les invités mais garde un moment de silence. On lit sur les visages l’attente, l’impatience. Le moment est solennel. Le chef de famille reprend une seconde fois la question. Et là, on entend le « OUI » d’Hermionne qui retentit dans ce silence. Le hourra qui l’accompagne fait retomber d’un seul coup la tension sur les épaules des uns et des autres. La fête peut bien commencer maintenant. Elle est désormais mariée selon la coutume.

L’instant solennel

Et c’est là tout l’esprit de la dot au Bénin. Le stress, les dépenses, l’impatience mais surtout la joie ; la joie d’un nouveau couple qui se forme, la joie de deux familles qui s’unissent. Une joie que l’infirmière Azizatou espère ressentir bientôt. Les avis divergent, des langues se délient, les uns applaudissent, les autres fustigent la chose. Malgré toutes les interprétations dont elle fait l’objet, la dot reste et demeure un symbole important et un honneur pour la femme qui aspire au mariage au Bénin.

Perpétue Houéfa AHOMAGNON

Diplômée en journalisme audiovisuel, j'ai découvert après mon cursus universitaire, l'univers des blogs, de la rédaction web. Depuis, je me suis presque auto-formée dans le domaine. Des formations par ci par là, des cours en ligne, tout ce qu'il faut pour me perfectionner et utiliser ces nouveaux médias pour atteindre mes objectifs. Je suis en fait une passionnée des nouveaux médias, des femmes, des jeunes, de la vie au niveau local. Je suis intéressée par les sujets sur l'Afrique, sur la situation des femmes et des enfants sur le continent mais aussi par le développement local. Et c'est ce que je traite à travers mes articles sur ce blog. " La confiance en soi est le premier secret du succès" Ralph Waldo