Mort de Jerry Rawlings : La jeunesse africaine orpheline de son modèle vivant
L’ancien Président Ghanéen Jerry Rawlings est décédé ce jeudi novembre à l’âge de 73 ans. Considéré comme celui qui a instauré la démocratie au Ghana, il était souvent cité en exemple par la jeunesse avide d’un dirigeant patriote et intègre. Avec sa mort, c’est un modèle vivant qui disparaît.
« J’annonce la suspension de notre campagne politique (…) après la nouvelle de la mort du fondateur de notre parti et ancien président du Ghana, Jerry John Rawlings » a écrit sur son compte sur Twitter l’ancien président John Dramani Mahama, et candidat du parti de l’opposition National Democratic Congress (NDC) à la présidentielle de décembre. Selon un communiqué de la présidence ghanéenne, il est décédé « à la suite d’une courte maladie ».
Le président ghanéen Nana Akufo-Addo, candidat à sa propre succession, a suspendu lui aussi sa campagne électorale et a décrété un deuil national de sept jours pour saluer la mémoire de l’illustre disparu. « Un grand arbre est tombé, et le Ghana sort appauvri de cette perte. », a-t-il déclaré. L’histoire du Ghana est intimement liée à celle de celui qui vient de tirer sa révérence.
Le chemin vers la démocratisation
Né le 22 juin 1947 à Accra, Jerry John Rawlings est le fils d’un père écossais et d’une mère ghanéenne. Enfant unique de sa mère, il fréquente l’école Achimota dans la capitale ghanéenne, et se marie à Nana Konadu Agyeman avec qui il a eu trois filles. Dans un article publié sur son site à l’annonce de sa mort, Jeune Afrique rappelle qu’il « se fait remarquer très tôt pour son franc-parler et son envie de révolte. Jeune homme doué et brillant, il s’engage dans l’armée de l’air et obtient, en quelques années, le grade de flight lieutenant (l’équivalent du rang de capitaine dans l’armée de terre) ». Alors, le 15 mai 1979, Jerry Rawlings organise un coup d’État qui échoua. Arrêté, il sera libéré quelques semaines plus tard par d’autres officiers prêts à en découdre avec une hiérarchie qu’ils estiment corrompue. Moins d’un mois après ce premier coup d’Etat raté, il organise un nouveau le 4 juin 1979, renverse le régime de Fred Akuffo et prend le pouvoir. Déjouant tous les pronostics qui le voyaient s’accrocher au pouvoir, il organise les élections et au bout de trois mois, cède la place à Hilla Limann, tout juste élu président. Mais, il ne restera pas loin trop longtemps. Non satisfait de la gestion du régime Limann qu’il estime corrompu, il revient au-devant de la scène en décembre 1981 par un nouveau coup d’État qui renverse le régime civil.
Ayant pris la tête du Conseil provisoire de la défense nationale, il règne à la tête du pays pendant plus d’une dizaine d’années. Dès sa prise de pouvoir, il se fixe comme mot d’ordre faire le ménage. Réfractaire à la corruption et à la mauvaise gouvernance, il organise ce que les militants des droits humains ont qualifié de purge. Il fait exécuter plusieurs anciens chefs d’État et généraux de l’armée pour corruption. Non assoiffé du pouvoir, il démissionne de l’armée en 1992, et ouvre son pays au multipartisme. Il fonde alors le NDC. Le pays entrait alors dans une ère de démocratisation. Après avoir fait adopter une nouvelle Constitution, il organise les élections qu’il remporte largement. Elu président le 7 décembre 1992, il prend ses fonctions le 7 janvier 1993. C’est la naissance de la IVe République. Le 7 décembre 1996, il est réélu à la présidence de la République du Ghana. Au terme de ses deux mandats prévus par la Constitution ghanéenne, Jerry Rawlings soutient la candidature de son vice-président, John Atta Mills pour les élections de 2000. Mais, c’est John Kufuor, le candidat du New Patriotic Party (NPP), parti de l’opposition à son régime, qui remporte les élections. En janvier 2001, il passe le témoin au nouveau président élu. Cette passation pacifique du pouvoir est un fait rare en Afrique qu’il faut souligner. Jerry John Rawlings rentrait ainsi dans l’histoire comme un exemple de dirigeant dont l’Afrique a besoin pour son développement.
Un modèle pour la jeunesse
« Jerry John Rawlings jouit de la réputation d’avoir permis au Ghana d’être considéré aujourd’hui comme la démocratie la plus solide en Afrique de l’Ouest, avec un cycle régulier d’alternance au pouvoir des deux principaux partis politiques du pays. Sous son régime, le Ghana a libéralisé son économie, attirant de nombreux investisseurs dans les secteurs du pétrole et de l’or », souligne le journaliste Fréjus Quenum sur le site de la Deutsch Weller. La réputation de Jerry Rawlings est un exemple que les jeunes africains désirent pour leurs pays respectifs. Il n’est pas rare, dans des débats sur la corruption et la mauvaise gouvernance en Afrique, d’entendre les jeunes souhaiter avoir un président comme Rawlings pour faire disparaître toute une génération de dirigeants corrompus dont l’appétit vorace freine le développement du continent. Dans un continent où des dirigeants s’accrochent au pouvoir, et le principe même de la démocratie est de plus en plus remis en cause, son décès sonne comme une énorme perte pour la jeunesse. Car, ses apparitions au Ghana et partout ailleurs ont toujours été vécues comme une réminiscence, un espoir qu’un jour l’Afrique puisse avoir des Hommes d’Etat comme lui. A la veille de l’élection présidentielle dans son pays en décembre prochain, et d’une année 2021 qui verra se tenir des élections présidentielles en Afrique, il n’est pas exagéré de souhaiter que son esprit habite les cœurs des hommes politiques pour que la paix règne sur le continent.