Afrique/ la polygamie : oui, je préfère !

By on 12/08/2019 0 3770 Views

Egalité des sexes, droit des femmes, promotion du foyer monogame ! Des concepts tendances qui veulent pour la femme l’autonomie, l’accomplissement de soi et pour les couples l’épanouissement. Mais ils se heurtent à une pratique ancestrale à la peau dure : la polygamie. Les foyers polygames se font et se défont tous les jours, surtout en Afrique de l’ouest, entrainant derrière eux des conséquences pas toujours positives pour l’homme ni la femme ni les progénitures ni la société. Pourtant la polygamie se développe de plus en plus parmi les intellectuels.

Tout comme les autres soirs, M. Sangaré, la soixantaine, vient de rentrer. Tout doucement, il fait rentrer sa moto dans sa maison située au quartier Yopougon, quartier populaire d’Abidjan, grande ville de la côte d’Ivoire. Très vite la dizaine d’enfants qu’il a, se précipite vers lui, qui pour le saluer, qui pour se faire tournoyer en l’air, qui pour lui prendre son sac. Il prend la petite dernière et rentre dans sa chambre. Quelques minutes après, ses trois femmes frappent à sa porte pour, avec révérence, lui servir de l’eau tout en lui souhaitant la bienvenue. La première et donc la plus âgée des trois, se verra offrir le siège à côté du chef de famille. Les autres seront renvoyées d’un signe de tête. « J’ai eu 3 femmes par la force des choses. Déjà c’était l’habitude dans ma famille. Mon père a eu 4 femmes tout comme mon grand-père. J’ai été élevé dans une telle famille et l’harmonie y régnait. Je m’entends bien avec tous mes frères et sœurs grâce à la rigueur de mon père. J’ai voulu essayer aussi et nous voilà » nous confie M. Sangaré avec un sourire en coin. Sa 1ère femme à côté nous avoue qu’elle avait été informée avant son arrivée en couple. « Je savais qu’il allait prendre une autre épouse. Pas 2 quand même. Mais j’ai accepté le fait et malgré les problèmes et mésententes parfois, on s’en sort très bien » confie t’elle résignée.

Pourtant en Côte d’Ivoire, le nouveau code civil est clair dessus. Il fait de la Côte d’Ivoire le premier pays d’Afrique francophone à adopter une mesure aussi radicale contre la polygamie. Dans l’article 2 alinéa 1, la loi reprend la formule de l’article 147 du Code civil français « Nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du précédent ». En d’autres termes, la polygamie est purement et simplement supprimée. Mais tout comme dans d’autres pays africains comme le Bénin, Ghana, Guinée et Nigéria, dont le code civil interdit la polygamie, cette loi n’est pas respectée et appliquée dans le quotidien. Le royaume d’Eswatini (anciennement connu sous le nom de Swaziland) anime l’actualité depuis quelques semaines selon un de nos récents articles. Il s’agit, en effet, d’une décision qu’aurait prise le Souverain de ce royaume situé au Sud de l’Afrique (plus précisément entre l’Afrique du Sud et le Mozambique) : décision selon laquelle chaque homme devra désormais épouser au moins deux femmes ; et pour cause, il y aurait plus de femmes que d’hommes dans ce pays.

Selon le site Echos d’Afrique, la polygamie se subdivise en deux parties, à savoir la polygynie et la polyandrie. La polygynie est l’union d’un homme avec plusieurs femmes. Dans le langage courant, la polygamie est presque confondue avec la polygynie. La polyandrie est l’union d’une femme avec plusieurs hommes. La polyandrie a presque disparu actuellement. Elle poursuit pour ajouter que « la polygamie est admise dans bon nombre de pays d’Afrique où elle se maintient grâce à la législation, à la religion islamique ou grâce aux coutumes traditionnelles ».

La polygamie humilie la femme et compromet l’éducation des enfants

Une pratique presque moderne

Dame Touria est la première épouse de son mari. Ce dernier en a 2. Grande commerçante de pagne, dame Touria nous raconte fièrement qu’elle est celle qui a suggéré à son mari, il y a 2 ans, de se prendre une seconde épouse. « J’ai fait mes études. Mais je suis passionnée de commerce. Depuis que j’ai démarré cette activité, je ne suis jamais sur place. J’ai rencontré mon mari ainsi. Très vite, je lui ai clairement signifié que je ne peux pas gérer quotidiennement un foyer. Il pouvait prendre une deuxième épouse s’il veut. Et au final, c’est ce qui a été fait. Je suis moins sollicitée, plus tranquille et je fais bien mon commerce » dit-elle. Comme elle, la journaliste égyptienne Hayam Dorbek disait « la polygamie permet aux femmes de se garder un espace de liberté ». Celle qui a créé l’association de défense de la polygamie appelée « Tayssir » [facilité] argumentait ses propos rapportés par le site wluml.org en expliquant que dans un pays tel que l’Egypte, divisé entre réformistes et conservateurs, la polygamie est un remède aux maux qui secouent la société arabe. Le mariage polygame a un effet positif sur la tendance des hommes à aller voir ailleurs. En outre, la polygamie permet de résoudre les problèmes des filles qui ne trouvent pas de maris et de mieux répartir les tâches domestiques au sein du foyer. Si le fait qu’elle tienne ce genre de propos malgré son instruction a rebuté des femmes égyptiennes, au Sénégal, les femmes instruites n’ont plus peur de la polygamie informe Le Monde. Le site confirme aussi que « la pratique recule globalement, mais se répand dans les milieux intellectuels. Ainsi, près d’un quart des femmes ayant un diplôme universitaire acceptent de devenir deuxième, troisième ou quatrième épouse, d’après le dernier recensement démographique paru en 2013. Une tendance qui va à rebours d’une idée reçue : la polygamie n’est plus réservée aux milieux populaires et ruraux ».

« La polygamie humilie la femme et compromet l’éducation des enfants » disait l’écrivain Jean Pliya dans son roman ‘’L’arbre Fétiche’’. Les conséquences négatives de la polygamie ne sont pas inconnues. Les enfants sont les premiers à les subir. Disputes, absences répétées d’un des deux parents, éducation ratée, les maux sont nombreux mais n’inquiètent pas ces intellectuels qui en redemandent encore. Dame Touré nous rassure même. « Je prends très bien soin de mes enfants. Je n’attends pas l’aide financière ni matérielle de leur père. Et ils ne s’en plaignent pas. Je n’ai même pas le temps de me disputer devant eux » assure-t-elle. Mais il reste encore de nombreuses femmes dans le milieu rural comme urbain qui reste catégorique. Pas de foyer polygame. Heureusement !

Perpétue Houéfa AHOMAGNON

Diplômée en journalisme audiovisuel, j'ai découvert après mon cursus universitaire, l'univers des blogs, de la rédaction web. Depuis, je me suis presque auto-formée dans le domaine. Des formations par ci par là, des cours en ligne, tout ce qu'il faut pour me perfectionner et utiliser ces nouveaux médias pour atteindre mes objectifs. Je suis en fait une passionnée des nouveaux médias, des femmes, des jeunes, de la vie au niveau local. Je suis intéressée par les sujets sur l'Afrique, sur la situation des femmes et des enfants sur le continent mais aussi par le développement local. Et c'est ce que je traite à travers mes articles sur ce blog. " La confiance en soi est le premier secret du succès" Ralph Waldo