Projet pétrolier en Afrique de l’Est : des communautés en danger
Le jeudi 10 septembre, deux organisations internationales des droits de l’homme (FIDH et Oxfam) ont lancé l’alerte sur les risques qu’encourent certaines communautés de l’Afrique de l’Est face à l’implantation d’un projet pétrolier dans leurs zones. La Fédération internationale des droits de l’Homme et l’ONG Oxfam parlent de conséquences désastreuses sur les populations et l’environnement.
« Les compagnies pétrolières Total et CNOOC sont sur le point de lancer 30 ans d’exploitation pétrolière en Ouganda, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les populations et l’environnement ». C’est par ce tweet sur son compte que la FIDH a lancé l’alerte sur les risques de ce projet sur l’environnement en Ouganda. Dans leur ligne de mire, le géant pétrolier français Total en partenariat avec la China National Offshore Oil Corporation.
Les deux organisations un produit un rapport qui détaille les études qui les ont conduites à tirer cette conclusion. D’abord, elles expliquent « malgré l’effondrement des prix du pétrole, malgré la pandémie et la crise climatique, les projets pétroliers se développent à travers le monde. Parmi les plus ambitieux, celui du géant énergétique français Total qui prévoit d’exploiter un des plus grands gisements d’Afrique situé sur les rives du lac Albert pour expédier le pétrole vers les marchés internationaux par la Tanzanie via un oléoduc, le pipeline de pétrole brut d’Afrique de l’Est (East African Crude Oil Pipeline – EACOP). Ce projet est mené en partenariat avec la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) ». Mais ce projet n’est pas sans conséquences pour les populations riveraines. « Elles ont commencé l’acquisition des terres, expulsant les populations. Les communautés se plaignent notamment de compensations insuffisantes et de l’opacité des procédures. Mais c’est aussi un mode de vie qui est bouleversé : déplacés dans des villages, sans terrain pour élever leur bétail, des familles et des clans éclatés. Mépris pour les pratiques et cultures traditionnelles. L’équilibre communautaire est menacé. Ce n’est pas tout. Total va installer 10 plateformes pétrolières, soit plus de 400 puits, sur 45ha du + grand parc national du pays. C’est 65 terrains de foot d’espace naturel détruit. CNOOC sera sur les berges du Lac Albert, zone du berceau du Nil » détaillent les ONG.
Dans la suite de leurs tweets, les organisations expliquent que le transport de ce pétrole requiert la construction d’un pipeline de 1445km, le plus grand oléoduc chauffé du monde. Le projet déplacera 12 000 familles. Il croisera le cours de 230 rivières, passant à travers une zone sismique et longeant sur 33 kilomètres le lac Victoria. Et donc, une fuite aurait des conséquences désastreuses sur la nature et ceux qui en vivent. Ce n’est pas rare : au Nigéria, 1er pays pétrolier de la région, c’est 40 million de litres d’or noir déversés par an. La question n’est pas si un drame environnemental aura lieu, mais quand ? Parce que le risque de désastre humain et écologique est grand si rien n’est fait par les responsables et gouvernants.
C’est pourquoi la Fédération internationale des droits de l’Homme et ses partenaires exhorte les responsables à divers niveaux de ce projet notamment les développeurs de projets et les gouvernements ougandais et tanzanien à :
- écouter, informer et répondre aux communautés : s’engager à mener un dialogue libre, ouvert, éclairé et équilibré sur l’exploitation pétrolière, y compris sur ses risques,
- défendre les défenseurs : s’assurer que les avocats, les journalistes et les groupes de la société civile défendant les droits humains puissent travailler librement dans les communautés à risque,
- prendre ses responsabilités : interrompre toute mauvaise conduite par les sous-traitants des projets, en particulier les tentatives de restreindre, obscurcir ou limiter les droits des communautés ou de la société civile,
- Garantir la juste valeur des terres : garantir des processus d’évaluation de la valeur des terres et d’indemnisation justes, transparents et conformes aux meilleures pratiques internationales,
- protéger l’environnement : mettre un terme aux activités d’extraction dans des zones comportant des écosystèmes protégés et sensibles, y compris sur les rives du lac Albert, et s’engager à utiliser la meilleure technologie disponible pour préserver la culture, la santé et le futur des communautés impactées,
- investir dans l’avenir : soutenir l’éducation, les moyens de subsistance, la défense juridique des familles délocalisées et des personnes à risque, en particulier les femmes et les filles.
Rappelons que c’est en 2017 dans un communiqué que Total a annoncé l’acquisition pour 900 millions de dollars d’une participation additionnelle dans le projet de production pétrolière du Lac Albert, en Ouganda, dont il devient dès lors l’actionnaire majoritaire.